En 2018, les sociétés civiles assureront le leadership.. mais
A l’aube de cette année 2018, le continent fait face à un tournant de son évolution. Alors que la société civile n’a jamais autant montré son appétence pour l’entrepreneuriat. Elle est aussi davantage expressive sur ces revendications diverses et variées. Cela crée naturellement une distanciation nette dans les rapports entre les élites et les populations. Et pourtant…
Par Chams Diagne, fondateur de Talent2Africa
Les sociétés civiles sont les principales architectes d’un «nouveau monde» plus libéral. C’est dans cet esprit qu’elles n’affirment sans complexe qu’une seule volonté économique: entreprendre toujours et encore. Cette tendance est par ailleurs jugée salutaire pour le continent qui aura besoin de créer 50 millions d’emplois par an à l’horizon 2050, selon la banque mondiale afin de faciliter l’intégration des jeunes à l’emploi.
Pourtant, si cette propension à l’entrepreneuriat s’y affirme aujourd’hui: les époques se suivent mais ne se ressemblent pas.
20 ans auparavant, les jeunes rêvaient plutôt d’intégrer la fonction publique, délaissant ainsi le secteur privé.. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée si brusquement que les leaders politiques ne sont pas parvenus à s’y adapter rapidement. Au Togo: ce sont déjà près de 40% des femmes actives qui exercent principalement une activité entrepreneuriale, selon le ministère de l’économie.
C’est l’émergence de cette nouvelle donne qui a fait creuser le fossé entre les sociétés civiles et les leaders économiques et politiques.
Ce gouffre serait-il incommensurable? Assurément non! D’une part car les élites politiques et économiques, dans certains pays, peuvent encore tenir un rôle prépondérant. C’est le cas en Côte d’Ivoire où les pouvoirs publics organisent chaque année le comité de concertation de l’Etat public-privé. Et c’est toujours un succès car beaucoup d’entrepreneurs issus de l’informel entrent en contact, à cette occasion, avec les services de l’Etat qui leur proposent un minimum de couvertures, d’assurances, d’encadrements… D’autre part, les startups – et plus largement les petites et moyennes entreprises- demeurent encore des écosystèmes fragiles. Dans une récente étude, le FMI expliquait que 84% des petites et moyennes entreprises en Afrique n’obtenaient pas les fonds suffisants pour la pérennisation de leurs activités. Enfin, tout le monde n’a pas vocation à devenir startuper. C’est pourquoi l’émergence de ces nouveaux écosystèmes n’effacent pas l’absolu nécessité de développer de véritables politiques industrielles et agro-alimentaires.
Et c’est sur ce segment précis que nous intervenons. Lorsque l’objectif consiste à développer les savoirs-faire techniques, le continent peut aussi s’appuyer sur ces diasporas. Souvent diplômés et expérimentés, ces jeunes cadres que nous recrutons puis formons aux réalités du terrain doivent bénéficier d’un assouplissement juridique sur les conditions d’obtention des visas de la part des Etats. Cela augurerait d’une meilleure synergie des compétences en Afrique. Enfin: les pays où sont implantées ces diasporas portent aussi quelques responsabilités. Lors de son passage à Ouagadougou au Burkina Faso: Emmanuel Macron, le président français, a souhaité un assouplissement des conditions d’obtentions du visa pour ceux issus du continent ayant étudié en France. C’est une mesure positive car elle participe aux échanges de compétences.
Aujourd’hui: si nous parlons de fossé voire de défiance entre nos leaders politiques et économiques vis-à-vis de nos peuples, c’est parce qu’on a trop laissé circuler l’idée naive selon laquelle les besoins auxquels répond une structure privée pouvait se substituer à tort au rôle de l’action publique. Au Cameroun, la start-up Traveler est spécialisée sur la sécurité routière par la conception d’un boîtier enregistrant les excès de vitesses des autobus. Mais le succès de cette société ne doit pas nous faire oublier les engagements pris par l’état camerounais pour améliorer la sécurité routière. Car l’insécurité routière, notamment à bord des bus, ne peut pas être résolue seulement par une start-up. Enfin en 2018, l’enjeu sera aussi de rassembler partout sur le continent les acteurs de la société civile et les pouvoirs de décision… Car en 2018, l’heure n’est plus à identifier les raisons de ce fossé mais d’évaluer ce que chacun d’entre nous peut apporter pour le développement de nos pays.