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Diasporas : des entrepreneurs “des deux rives” qui changent la donne 

Souvent considérée comme la 6ème région d’Afrique, la diaspora n’a pas toujours suscité l’intérêt escompté. Aujourd’hui, elle est convoitée tant par les responsables publics du continent que par ceux des pays d’accueil. Pour les milliards de transferts de fonds qu’elle mobilise tous les ans ou à des fins électoralistes. Entre les deux, on assiste à l’avènement d’une génération d’entrepreneurs, actifs à la fois “ici et là-bas”et porteurs de changements. Analyse.

Par Dounia Ben Mohamed

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En 2000, Thabo Mbéki, ancien Président de l’Afrique du Sud, annonçait que le XXIème siècle serait celui de l’Afrique. La conjoncture actuelle ne peut que lui donner raison alors que le continent est plus que jamais au cœur des enjeux géopolitiques et économiques mondiaux. Ceci dit dans son célèbre discours, “Renaissance” plus qu’un discours en réalité, un “appel”, il a exhorté ses pairs à tirer profit de la diaspora. Des talents disséminés à travers le monde et dont les compétences doivent profiter au continent. « Il y a un besoin urgent de partager les connaissances entre l’Afrique et la diaspora et de coopérer économiquement» a-t-il déclaré. Autrement dit, il s’agit de partager les connaissances dans le but de renforcer le développement. « Si nous sommes capables de mieux travailler avec les Africains de la diaspora, en utilisant les capacités et les compétences qu’ont beaucoup d’entre eux, plusieurs de ces programmes pourront être réalisés plus rapidement et de façon plus efficace…la vision de la renaissance africaine deviendra une réalité ». 

Entre 7% et 10 % du PIB des différents pays

Depuis, force est de constater que cette diaspora-entre 170 millions  et 350 millions de personnes selon les définitions retenues, dont la plus importante réside en Europe- suscite de plus en plus d’intérêt. Convoitée tant par les responsables publics du continent tout comme ceux des pays d’accueil. Pour plusieurs raisons. A commencer par son poids économique. Il n’est plus utile de rappeler que depuis plusieurs années, les fonds envoyés par la diaspora à leur famille au pays représentent 3 à 4 fois l’aide au développement. 

Selon les dernières données de l’Union africaine, la contribution de la diaspora africaine est estimée à plus de 150 millions de dollars en 2021. Sur la période 2010-2020, les envois de fonds ont totalisé plus de 440 milliards de dollars pour l’Afrique subsaharienne (2,4% du PIB). Ces transferts monétaires vers le continent représentent une contribution moyenne comprise entre 7 et 10 % du PIB des différents pays, elle passe à plus de 20 % dans certains états comme le Cap Vert, la Gambie, le Lesotho.

La diaspora apparaît ainsi comme un acteur majeur du développement des pays d’origine. D’où l’intérêt de ces derniers. Le Maroc notamment a mis en place un ministère dédié aux Marocains résidents à l’etranger (MRE) ainsi qu’une série d’outils destinés à les informer, les accompagner mais également à mieux capitaliser sur ces fonds. Mais alors qu’ils  servent avant tout à répondre à des besoins d’ordre primaire (consommation, loyer, éducation, santé), -sur les 440 milliards de dollars pour l’Afrique subsaharienne (2,4% du PIB), seulement 10% des envois de fonds sont investis dans les projets ou produits d’épargne en Afrique. Désormais, pour les fils et les filles du continent, le défi est d’agir de manière plus durable dans le développement à travers l’entrepreneuriat notamment.

Au cœur de leur projet entrepreneurial, et de leur réussite, le désir de répondre à un besoin exprimé par la diaspora ou le continent”

Fort de leur double expertise, des compétences acquises à l’international et de leur maîtrise du contexte local, ils sont de plus en plus nombreux, portés par la croissance économique du continent et par la digitalisation de l’économie, à développer et à proposer des solutions innovantes. Médias, fintech, agrobusiness, santé, éducation, développement durable, services…Au cœur de leur projet entrepreneurial, et de leur réussite, le désir de répondre à un besoin exprimé par la diaspora ou le continent. Autre particularité, ils ne se limitent pas à leur pays d’origine mais développent une approche régionale voire continentale.

Une manière pour eux de contribuer concrètement au développement du continent. Selon un sondage publié en février 2021 par le Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA), 71 % des Français issus de la diaspora africaine se disaient prêts à s’engager dans un projet en lien avec leur pays d’origine. Une proportion qui augmente chez les 18-24 ans, à 76 %. « Outre l’éducation et la formation, cette prédilection pour l’entrepreneuriat est à nos yeux l’enseignement le plus précieux, car il justifie les solutions qui seront mises en œuvre avec nos partenaires BPI France, l’Agence Française de Développement, Business France et Expertise France, se réjouit le franco-béninois Lauriano Do Rego, président du CPA. Toutes procèdent du même constat : il existe un fort potentiel de création d’entreprises et d’innovation encore inexploitée ».

Un potentiel aujourd’hui reconnu

Un potentiel aujourd’hui reconnu, notamment en France.  Dans son discours de Ouagadougou, le président Emmanuel Macron affirmait son intention de s’appuyer sur les entrepreneurs de la diaspora pour « réinventer les relations de la France avec les pays africains ». Un certain nombre de programmes sont mis en place pour les accompagner dans leur ambition entrepreneuriale. Parmi lesquels Meet Africa ( lire Jérémie Pellet “MEET AFRICA : donner aux entrepreneurs les outils pour entreprendre en Afrique”). 

De fait, ces entrepreneurs innovants issus des diasporas jouent un rôle essentiel pour insuffler une nouvelle dynamique et modifier le regard porté sur l’Afrique et ses ressortissants tout en s’attaquant à des chantiers impactant le développement du continent. Dans le domaine de la fintech notamment. Alors que le coût des transferts de fonds demeurent élevés (6 % en moyenne au deuxième trimestre 2022 ; 6,3% pour la région Moyen-Orient Afrique du Nord, 7,8% pour l’Afrique subsaharienne) de nombreuses startups proposent des solutions alternatives (lire Focus sur 5 profils).

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