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De la pâtisserie casablancaise à une révolution startup : l’histoire d’Ayman Jaradat

Au cœur de Casablanca, où les rues vibrantes et la richesse culinaire rencontrent le quotidien animé, une révolution silencieuse a pris racine. Et tout a commencé par une simple envie sucrée, un budget serré et un moment de curiosité dans une pâtisserie locale… mené par un jeune étudiant palestinien en médecine, Ayman Jaradat.

Aujourd’hui étudiant en troisième année de médecine au CHU de Casablanca, Ayman se souvient encore de la nuit où tout a commencé. En première année, lui et quelques amis se sont arrêtés dans une pâtisserie du quartier, juste avant l’heure de fermeture. Ce qu’ils ont trouvé ? Un comptoir plein de nourriture non vendue, destinée à être jetée.

« En tant qu’étudiants fauchés, on cherchait juste une bonne affaire » raconte-t-il en riant. « J’ai discuté avec le propriétaire et j’ai réussi à lui négocier trois repas pour le prix d’un. Ce moment m’a marqué — je me suis rendu compte qu’il devait y avoir une meilleure façon de gérer les surplus alimentaires. »

Le lendemain matin, Ayman se mit à faire des recherches. Il a envoyé des sondages via des groupes WhatsApp, des événements étudiants et des cercles lycéens pour évaluer l’intérêt pour une plateforme qui connecterait les entreprises alimentaires avec des consommateurs cherchant des options de restauration abordables et respectueuses de l’environnement. L’idée a rapidement pris de l’ampleur.

En tant qu’étudiants fauchés, on cherchait juste une bonne affaire

Cette idée allait se concrétiser sous le nom de Refood, une start-up à impact social, avec une mission simple mais puissante : réduire le gaspillage alimentaire en transformant la surproduction en opportunité.

Créer une entreprise en tant qu’étudiant n’est jamais facile, surtout dans un pays où l’on n’est pas citoyen. Mais Ayman n’a pas hésité. Bien qu’il n’ait pas pu enregistrer une société immédiatement en raison de son statut de visa, il a fait le premier pas officiel : demander le nom de l’entreprise « Refood » via un certificat négatif, posant ainsi les bases légales de ce qui deviendra Refood SARL.

Conscient que la mission était trop grande pour une seule personne, Ayman se mit en quête de co-fondateurs. Grâce à des amis communs, il rencontra Imad Berrada, puis Marwane Auidy. En une semaine, les trois fêtèrent la création de leur entreprise, un jalon alimenté par la passion, la vision et l’énergie inépuisable des étudiants.

Construire avec cœur, pas seulement du capital

Avec des fonds limités et sans accès à des services professionnels, les trois jeunes ont puisé dans leurs réseaux personnels. Marwane présenta son camarade de classe, Farid Bouazi, dont les compétences techniques et l’esprit entrepreneurial lui valurent une place en tant que CTO et co-fondateur.

Alors que l’équipe développait son MVP avec un budget serré, elle s’inspira des légendes des start-ups en phase de démarrage — réalisant de petites missions et des petits boulots pour faire avancer leur projet. Leur parcours prit un tournant décisif en 2024 lors du GITEX Africa à Marrakech, où ils rencontrèrent Corine Ben Hammou de FrenchTech Angers. Cette rencontre fut déterminante, car elle les poussa à passer de la recherche de financement préliminaire à l’affinement de leur produit de base. C’est à ce moment-là que Refood a véritablement commencé à prendre forme.

C’était comme si tout ce pour quoi nous avions travaillé devenait réel

Quelques semaines avant le lancement, Refood attira l’attention de Technopark Maroc, menant à un partenariat stratégique qui leur offrit à la fois légitimité et espace pour se développer. Peu de temps après, l’équipe se retrouva à pitcher devant des investisseurs mondiaux et des institutions comme l’Université George Washington.

Et puis vint un moment irréel : « Trente minutes avant de monter sur scène, j’ai reçu l’email d’Apple confirmant l’approbation de Refood pour la production, » raconte Ayman, encore ébahi. « C’était comme si tout ce pour quoi nous avions travaillé devenait réel. »

L’impact mesuré en repas et en CO₂ économisés

Dès sa première semaine sur le marché, Refood a vendu plus de 500 boîtes mystères de nourriture — des repas excédentaires emballés à prix réduits, reliant les consommateurs à la valeur et les commerçants à la durabilité. Aujourd’hui, l’application compte plus de 2 500 utilisateurs actifs et plus de 50 entreprises partenaires. L’équipe s’est ensuite étendue à Marrakech, et l’élan ne fait que croître.

L’impact de Refood dépasse largement les téléchargements et les contrats. À ce jour, la plateforme a contribué à éviter plus de 8 657,5 kg d’émissions de CO₂ en sauvant de la nourriture qui serait autrement jetée — un chiffre qui parle de lui-même dans une époque de conscience climatique.

L’innovation de Refood n’est pas passée inaperçue. Soutenue par FrenchTech Miami et ayant remporté le prix African CIO Award pour l’Innovation et l’Impact, les distinctions ne cessent de pleuvoir. L’équipe est maintenant en discussions avancées avec des géants tels que Marjane, IKEA, Orange, Carrefour et UM6P Ventures.

Il n’est pas nécessaire d’avoir des millions pour démarrer. Il suffit d’une idée, d’un problème qui vous tient à cœur, et de personnes qui croient en vous

Au cœur de Refood, ce n’est pas seulement une solution technologique, mais une histoire de résilience, de communauté et du pouvoir de faire ce que l’on peut avec ce que l’on a.

Ayman laisse un message aux rêveurs : « Il n’est pas nécessaire d’avoir des millions pour démarrer. Il suffit d’une idée, d’un problème qui vous tient à cœur, et de personnes qui croient en vous. Même un petit moment — comme des restes alimentaires à la fermeture d’un commerce, peut déclencher quelque chose de bien plus grand. »

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