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Culture Le premier Etalon d’Or du Burkina, Idrissa Ouédraogo, est décédé

Idrissa Ouédraogo affectueusement appelé le Maestro est décédé à l’âge de 64 ans. Un an avant le cinquantenaire du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO). Un Festival dont il a été le premier burkinabè a remporté en 1991, le prestigieux prix : l’Etalon d’Or de Yennega avec son film « Tilaï ».

Par Ibrahima Sanou, à Ouagadougou

La nouvelle est tombée dans la matinée du dimanche 18 février 2018 à Ouagadougou. Annoncée par l’Union nationale des cinéastes du Burkina dans un communiqué. « Le Maestro » est décédé, à 64 ans. Un an avant le cinquantenaire du Fespaco dont il aura été le premier burkinabè a remporté, en 1991, le prestigieux Etalon d’Or de Yennega avec son film « Tilaï ». Un film qui lui aura également valu de remporter le Grand Prix du Jury à Cannes en 1990 et le Prix du meilleur long métrage au 1er Festival du cinéma africain de Milan en 1991. 1991, c’est l’année de la consécration d’une carrière qui a officiellement démarré dix ans auparavant, après une série de formation dans le métier du 7è Art.

De Banfora à la Sorbonne

Né le 21 janvier 1954 à Banfora (441 kilomètres de Ouagadougou) à l’ouest du pays, Idrissa Ouedraogo grandi dans une bourgade près de Ouahigouya (183 kilomètres de Ouagadougou), dans le Nord du pays où seront tournés certains de ses films. Ses études supérieures commencent à l’université de Ouagadougou au département d’études anglophones. Le cinéma qu’il a appris à connaitre et à aimer avec les missionnaires catholiques, l’amènera à s’inscrire en 1977 à l’Institut africain d’études cinématographiques (INAFEC) de Ouagadougou. Major de sa promotion en 1981, son film de fin d’étude révèle déjà ses aptitudes de grand cinéaste. Sa première création, un court-métrage de fiction intitulé « Poko », obtient le prix du meilleur court-métrage au FESPACO. Il part ensuite suivre un stage à l’Institut fédéral d’État du cinéma de Moscou en Russie. Puis, c’est la France qui l’accueille. Il étudie d’abord au prestigieux Institut des hautes études cinématographiques et ensuite à la Sorbonne, Paris I. Idrissa Ouédraogo décroche son DEA de cinéma en 1985. En 1986, il réalise son premier long métrage « Yam daabo » (le choix). C’est le début d’une longue et enrichissante carrière.

L’envol du maestro

En 1988, Idrissa Ouédraogo sort « Yaaba » (Grand-mère). Le film est sacré Prix de la Critique au Festival de Cannes en 1989 et Prix du public au FESPACO la même année. Deux ans plus tard, c’est la consécration avec « Tilaï » qui est une transposition d’une tragédie grecque dans l’histoire contemporaine. Et les films se suivent en même temps que les récompenses. Il tourne le film « Le Cri du cœur » en 1994 et celui-ci obtient l’année suivante le Prix du public lors du 5e Festival du cinéma africain de Milan. Lors de la 8e édition de ce festival en 1998, il reçoit le Prix du meilleur long métrage pour « Kini et Adams » tourné en 1997. A côté des longs et courts métrage, il tourne également des séries télé qui connaissent aussi des succès. En 2001, la série « Kadi Joli » passe sur les écrans de télévision du Burkina et d’ailleurs et est prisé par les téléspectateurs. En 2003, il est président du grand jury du FESPACO, mais présente en même temps le film « La Colère des Dieux ». Suivra la même année, la série « Trois hommes, un village » réalisé en collaboration avec Issa Traoré de Brahima. Cette série recevra en 2005, le Prix spécial du jury série au FESPACO en 2005.

« Le Burkina Faso vient de perdre un réalisateur à l’immense talent qui aura beaucoup œuvré au rayonnement du cinéma burkinabè et africain hors de nos frontières ».

C’est donc un réalisateur et un producteur de dimension internationale et très prolixe qui s’est éteint ce dimanche 18 février 2018, à 5 heures 30 minutes, dans une clinique de Ouagadougou. Et pourtant, le cinéaste se préparait pour un retour lors du cinquantenaire de la biennale du cinéma africain en 2019. Idrissa Ouédraogo est Commandeur de l’Ordre National Burkinabè et Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres Françaises. Dans un communiqué hier dimanche, le président du Faso Roch Marc Christian Kabore a réagi en ses termes : « Le Burkina Faso vient de perdre un réalisateur à l’immense talent qui aura beaucoup œuvré au rayonnement du cinéma burkinabè et africain hors de nos frontières ». Ses pairs également lui rendront hommage. Parmi lesquels Rasmané Ouédraogo, dit Raso. » Nous sommes ensemble depuis 50 ans, nous avons passé notre enfance ensemble à Ouahigouya. Nous avons fait et le lycée et l’université ensemble. J’ai joué comme acteur dans son tout premier film et dans d’autres. Nous étions en train de préparer son nouveau film sur la nécessité d’entretenir l’environnement. C’est vrai qu’il ne se sentait pas bien mais quand je l’ai vu la dernière fois, il donnait l’impression d’aller mieux et puis hier matin, on m’apprend la nouvelle de son décès. »

« Un baobab »

C’est avec la même émotion qu’Emmanuel Sanon, Président de l’Union Nationale des cinéastes du Burkina, s’exprimera. « C’est avec beaucoup de douleurs, de peines que nous avons appris la triste nouvelle. Idrissa, c’était un grand, c’était un baobab. Il s’est écroulé. Les mots me manquent. » Armel Hien, Directeur général du cinéma et de l’audiovisuel, ne manquera pas d’éloge à l’encontre de celui qui aura été, selon lui, « l’un des meilleurs cinéastes du Burkina Faso. C’était l’un de ceux qui ont représenté l’Afrique au Festival de Cannes. C’est une grosse perte pour le Burkina Faso et pour le cinéma africain de manière générale. » Philippe Savadogo, ancien Délégué général du FESPACO et ancien ministre de la culture burkinabè, avant de partager sa douleur avec les proches d’Idrissa Ouedraogo, son épouse et ses enfants, revient sur le parcours de «  l’enfant terrible du cinéma Africain ». « C’était une personne qui avait une passion et surtout une vocation mais qui était extrêmement généreux. Il était aussi très tolérant en amitié. Ces dernières semaines encore, nous avons échangé sur un projet de film qui portait sur les mines et les carrières du Burkina. Pour moi, Idrissa était un homme à part entière, un artiste certes mais une personne très sensible et une personne très fidèle. »

Aujourd’hui, c’est toute une nation et le cinéma africain qui lui rend hommage. Une veillée est prévue dans la nuit de lundi à mardi à Ouagadougou suivie mercredi de la levée du corps et de l’inhumation dans un cimetière de la capitale.


 

Par Ibrahima Sanou, à Ouagadougou

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