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Course à l’Élysée 2017 : l’Afrique oubliée !

Le scrutin présidentiel français à deux tours, s’est tenu, ce dimanche 23 avril 2017. Onze candidats en compétition doivent succéder à François Hollande, lequel aura lui-même  admis son échec. De fait, il affiche un bilan catastrophique à tous les niveaux et y compris sur le plan de la politique africaine française.  C’est dans ce contexte particulier que ces candidats ont présenté leurs ambitieux programmes politiques pour séduire les électeurs (trices) français qui appellent à de véritables transformations sociales. Reste que si les candidats en lice sont préoccupés par la situation de leurs concitoyens, ils n’ont pas fait preuve d’attention particulière envers l’Afrique, partenaire historique de la France.

Par Makaila Nguebla*

Liée à la France par un passé colonial et des liens historiques, l’Afrique n’a pas retenu l’attention des 11 postulants à la course à l’Élysée 2017. En effet, plusieurs observateurs, les plus éclairés de la scène politique française, ont constaté que sur les trois mois de campagne, les questions africaines ont été évacuées des préoccupations des éventuels successeurs à François Hollande.  L’un d’eux pourtant a vécu et grandi en Afrique notamment à Dakar. Il s’agit  du socialiste Benoît Hamon.

Perçue comme nid des conflits armés, des guerres civiles, des calamités naturelles et des fléaux de tous genres, l’Afrique a été littéralement occultée dans cette présidentielle française. L’Occident, d’une manière générale, ne s’intéresse aux pays d’Afrique noire et du Maghreb que pour leurs potentiels économiques et leurs mains-d’œuvre exploitables, mais sans songer à œuvrer à instaurer : la démocratie, la justice sociale, la bonne gouvernance économique et l’État de Droit – avec ses composantes diverses et variées, conditions essentielles pour l’essor économique, la stabilité politique et la paix sociale.

Durant cette campagne, la sécurité internationale et l’immigration ont certes dominé les débats parce qu’elles menacent directement les pays européens envahis par des migrants fuyant les zones des conflits et des guerres.

Le 23 mars 2017, Mme Marine Le Pen, candidate à cette présidentielle, s’était rendue au Tchad où elle a rencontré le dirigeant tchadien, Idriss Déby, allié de Paris dans la lutte contre les groupes terroristes au Sahel où est basée l’opération Barkhane. Pour la candidate du Front National (FN), le Président tchadien jouit d’une bonne réputation et d’une expérience, si bien qu’il est devenu incontournable dans la politique sécuritaire de la France et de l’Europe, ce qui lui vaut aujourd’hui la complaisance et le laxisme de certaines institutions internationales comme l’Union Européenne qui l’exempt ainsi de toute critique à l’encontre de son pouvoir qui réprime la société civile et son peuple.

En termes d’élections, l’année 2016 a été cauchemardesque pour des peuples en lutte qui ont vu leurs victoires arrachées par des régimes autocratiques comme au Gabon, au Tchad, au Congo et à Djibouti, dont les dirigeants sont des véritables alliés de Paris et  bénéficient de son soutien permanent et inconditionnel.

Aujourd’hui, les préoccupations des Africains, sont essentiellement le respect des droits humains et des libertés, la justice sociale, la tenue des élections libres et transparentes qui débouchent vers une alternance politique crédible et qui ne souffre d’aucune contestation et consolide ainsi les acquis démocratiques. Or ces valeurs chères à la France, sont systématiquement transgressées par des dictatures de longue date qui coopèrent régulièrement avec les différentes classes politiques françaises qui se sont succédées au pouvoir, toute obédience politique confondue.

A cela s’ajoutent les épineuses questions des bases militaires françaises, du Franc CFA et de l’environnement, qui agitent les capitales africaines ces derniers temps. Elles n’ont pas été abordées ni soulevées par les candidats à cette présidentielle devenue sans véritable enjeu pour l’Afrique.

Après soixante ans de pseudo-indépendance, les Africains sont de plus en plus conscients que leur avenir ne dépendra pas de l’issue de l’élection présidentielle en France. Car celle-ci ne changera en aucune manière leur situation sociale totalement détériorée. C’est pourquoi, de Dakar à Ouagadougou, en passant par Tunis, à Rabat, un éveil citoyen transnational se dresse, aux ambitions continentales, pour prendre le destin des peuples et l’acheminer vers des lendemains meilleurs sans exclusive, où tous les fils et filles vivent dans la dignité dans une Afrique conquérante, débarrassée des clichés et des stéréotypes qu’elle subit.

L’expertise et les riches expériences d’une diaspora africaine décomplexée, viennent à contribution pour relever les nombreux défis vers une émancipation totale du continent.

L’absence de véritables débats sur l’Afrique, au cours de cette présidentielle française de 2017, témoigne à juste titre que les préoccupations du continent et de leurs peuples sont loin d’être à l’ordre du jour de ces candidats – qui accordent peu de crédit aux rapports historiques qui lient la France au continent et doivent pourtant être revus pour l’intérêt des uns et des autres.

*Makaila Nguebla est un journaliste tchadien, exilé à Paris, et auteur du blog http://www.makaila.fr.


 

Auteur : Makaila Nguebla // Photo : © Makaila Nguebla

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