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Côte d’Ivoire : Tensions autour du cacao

Les cours mondiaux du cacao qui ont chuté de 1800 FCFA à 1200 FCFA secouent la trésorerie ivoirienne. Pour les producteurs, le coup est rude, 700F CFA au lieu de 1100 FCFA. Réunis le 30 mars dernier, les représentants du Conseil « Café-cacao », bien qu’ils écoutent les inquiétudes de leurs membres, peinent encore à trouver des solutions. Reportage.

« Chers parents producteurs et chers acteurs de la filière, je le sais, ce prix n’est pas à la hauteur de vos efforts parfaitement louables » a reconnu Lambert Kouassi Konan, président du conseil d’administration du Conseil « Café-cacao », le CCC. En reconnaissant une relative impuissance de la profession, le président a aussi fait montre de pédagogie pour expliquer les fluctuations des prix.

Des causes multiples, économiques et politiques

Nul ne s’attendait à un assombrissement des cours du cacao, dont le pays est le premier producteur mondial (+ 1 500 000 T, 40% du marché mondial). Il fournit 41% du PIB ivoirien et est la colonne vertébrale du budget.

En cause, selon le PCA du CCC, Lambert Kouassi Konan, « un pic des arrivages sur la période allant du 14 novembre au 31 décembre avec 588 258  tonnes contre 476 649 tonnes en 2015-2016 soit 111 609 tonnes ; un déphasage entre les arrivages et la répartition des contrats d’exportation qui a entrainé un encombrement des entrepôts des exportateurs, soit 39% de la production ; l’insuffisance au niveau de la trésorerie due à l’instabilité des prix sur le marché international » et « le poids des rumeurs incessantes relatives à une baisse des prix aux producteurs ».

Outre ces données économiques, le CCC rappelle aussi le contexte politique des derniers mois. Pour son président, « les événements militaires » de janvier et février 2017 « ont impacté négativement la commercialisation. »

Des pertes pour les professionnels, comme pour l’Etat

A Duékoué, le directeur d’UCO-Coopca (l’Union de coopérateurs), Roland Marcel Angahi se confie sur les difficultés vécues par les planteurs. Comme il l’explique, ces derniers sont obligés de s’endetter alors qu’ils ont des millions de FCFA d’impayés. Leurs pertes financières sont aussi liées à la durée d’immobilisation des camions dans les ports en raison des difficultés du secteur.

« Par exemple, il y a un producteur qui est venu me voir pour un emprunt dans l’optique de soigner son frère – victime de blessures par balles lors du braquage du village de Tahalby Glode – il y a environ trois semaines. Il y aussi le chef de village du campement de Lucienkro,  sous-préfecture de Duékoué, qui est passé pour un prêt de 150 000 FCFA. Moi-même, j’ai un camion qui a fait plus de deux semaines au port de San-Pedro : cela représente une perte de 2 000 000 FCFA là où je devrais dépenser 700 000 au maximum » rapporte-t-il.

Inquiétudes et impuissance

Planteur et député, Obed Blondé Doua, responsable syndical à Man, indique que « depuis plus de 15 jours, les acheteurs ne viennent plus prendre les stocks de produits et attendent le nouveau prix. » Pour ce dernier, cette attente, qui bloque le secteur, « sera le véritable manque à gagner pour les producteurs. »

Mais si les inquiétudes des professionnels semblent justifiés, Obed Blondé Doua constate surtout l’impuissance du CCC, ce qu’il regrette : « malheureusement, le conseil café-cacao n’a pas les moyens de faire appliquer les prix, c’est celui qui a le cash qui a le pouvoir… »

De son côté, le PCA du CCC s’en remet à l’Etat qui, selon lui, perd « plus de 43 milliards FCFA » tant les fluctuations sont impactantes sur l’économie du pays. Une perte qui pourrait avoir des conséquences à moyens termes sur les projets politiques et de développement d’Alassane Ouattara…


Auteur : Issiaka N’GUESSAN // Photos : Table ronde du Conseil « Café-cacao », Lambert Kouassi Konan, président du CCC © Issiaka N’GUESSAN

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