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Côte d’Ivoire : les enjeux économiques de la « CAN de l’hospitalité »

La 34ème édition de la Coupe d’Afrique des Nations démarre en Côte d’Ivoire. La plus grande manifestation sportive du continent représente un enjeu économique majeur pour le pays hôte avec des investissements conséquents et des retombées importantes, y compris pour les opérateurs locaux.

Par Issiaka N’GUESSAN 

Abidjan, San Pedro, Yamoussoukro, Bouaké et Korhogo sont les villes retenues pour accueillir les rencontres de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) qui se joue en Côte d’Ivoire, pour la seconde fois. La première fois, en 1984, le pays avait remplacé au pied levé le Malawi. Pour cette édition dite « CAN de l’hospitalité », des investissements importants ont été consentis. Au moins 762,4 millions d’euros ont été engagés dans la construction de nouveaux stades à Ebimpé, San Pedro, Yamoussoukro et Korhogo, baptisé du nom de l’ancien premier ministre Amadou Gon Coulibaly, et dans la réhabilitation du stade Félix Houphouët-Boigny et celui de la Paix à Bouaké. 

Le secteur hôtelier en première ligne

Pour les opérateurs économiques ivoiriens, cette CAN semble une aubaine pour augmenter leur chiffre d’affaires. En premier lieu, les entreprises du bâtiment et des travaux publics (BTP). La “Côtière” qui relie Abidjan à San Pedro, a mobilisé 470 millions d’euros. Au-delà de la CAN, cet axe routier d’importance stratégique pour l’économie ivoirienne permettra à terme, d’accroître les échanges économiques entre les deux villes portuaires.

A Bouaké, deuxième ville du pays, 16,8 millions d’euros ont été décaissés pour les travaux de bitumage et de réhabilitation de la voirie, de même qu’à Korhogo. Les entreprises Porteo BTP et EKDS Nouvelle, détenues par Koné Daouda Soukpafolo, sont les bénéficiaires de ces chantiers. 

L’accueil de la dernière édition de la Women’s Champions League de la CAF a pu donner un aperçu des conséquences économiques d’un tel événement. San Pedro et Korhogo étaient les deux villes à l’honneur. Parmi les bénéficiaires de ces retombées, le secteur informel. Les productrices de beurre de karité de Natio-Kobadara, un village communal de Korhogo, se sont en effet réjouies de l’affluence des visiteurs. Le secteur de l’hôtellerie aussi n’est pas en reste. “Je viens même de faire des commandes de draps pour mon hôtel, c’est dire que je suis prêt. J’ai une proposition d’hébergement de l’équipe d’Angola” fait savoir Kouamé Konan, gérant. Il soutient que “la CAN a toujours suscité un intérêt économique non-négligeable. A chacun de se préparer pour l’accueillir à sa manière.”

Les déguerpissements créent des mécontents 

Bémol dans cette mobilisation : la destruction des commerces sur les trottoirs. A Yamoussoukro, la capitale administrative du pays, les commerces des femmes et des jeunes du secteur informel ont été détruits. Idem à Bouaké. Le directeur de cabinet de la mairie, Me Yaya Koné, explique qu’il s’agit de faire dégager les bordures de voies des occupants illégaux, qui pour la plupart ont reçu des mises en demeure. “Pour les récidivistes, une contravention est donnée.” Cependant, le grand marché, construit avec le financement de la coopération française, grâce au Contrat de désendettement et de développement (C2D), à hauteur de 61 millions d’euros, n’est toujours pas opérationnel pour accueillir les commerçantes. Pour les tenanciers de maquis, les braiseurs de viande et autres vendeurs à la sauvette, la CAN ne fait pas leurs affaires. La gare routière a été clôturée leur empêchant l’accès. L’objectif pour les comités régionaux d’organisation de la CAN, est d’offrir un meilleur visage des villes hôtes de la compétition.

Favoriser l’attractivité économique des villes d’accueil

Lors de sa tournée des aéroports, Amadou Koné, ministre des Transports, avait soutenu, à l’étape de Bouaké, qu’il ne souhaitait pas que la CAN impacte négativement les activités économiques. Dans le détail du plan de circulation, il a été prévu de bloquer les camions de transport de fret sur les aires de transit aux quatre points cardinaux, le temps du déroulement des matchs. Mais Bouaké est une ville commerçante, avec son marché de gros. L’aéroport est fermé pour une remise à niveau de la piste d’atterrissage pour faciliter les arrivées aux délégations des équipes qui vont évoluer au stade de la Paix. Bouaké accueille la poule B, composée du Burkina Faso, de l’Angola, de la Mauritanie et de l’Algérie. Pour bien loger les délégations étrangères en dehors d’Abidjan, le gouvernement ivoirien a procédé à des travaux de remise à niveau de grands hôtels du pays. “Près de 1 000 établissements, notamment des hôtels, restaurants et maquis, agences de voyage et espaces de loisirs ont fait l’objet d’inspection et de contrôle” a révélé Siandou Fofana, ministre du Tourisme et des Loisirs.

Selon lui, ces travaux ont été effectués “en vue de répondre aux exigences qualitatives et quantitatives de la stratégie nationale de développement touristique, « Sublime Côte d’Ivoire » pour la mise aux normes et standards internationaux des réceptifs ivoiriens à l’aune de la CAN 2023.” 

“Par ailleurs, en ce qui concerne les hôtels appartenant à l’Etat, nous avons entièrement rénové le Sofitel Ivoire à Abidjan, pour un montant estimé à 4,9 millions d’euros ; 5,6 millions d’euros en ce qui concerne le HP Resort (anciennement Le Parlementaire). Le Président, à Yamoussoukro, et le Ran hôtel, à Bouaké, ont été rénovés pour un coût respectif de 4,27 millions d’euros.”

Le ministre du Tourisme et des Loisirs explique que le gouvernement a consenti d’énormes sacrifices pour rendre agréable le séjour des délégations étrangères. “Ainsi pendant les moments creux des compétitions, les visiteurs pourront visiter plusieurs sites touristiques de la région, notamment les rochers des amoureux, la baie des sirènes, la piscine naturelle à San Pedro” assure Siandou Fofana. 

Malgré quelques mécontentements, les opérateurs économiques espèrent tirer le meilleur profit de l’organisation de la Can en Côte d’Ivoire. Les Comités locaux d’organisation mis en place par le Comité national ont la lourde charge de favoriser l’attractivité économique dans les villes d’accueil, en dehors des stades.  Amadou Koné, ministre des Transports, par ailleurs maire de Bouaké, indique préparer un forum économique autour de l’événement pour stimuler l’attractivité économique de sa ville, ressortie depuis 2011, de la grave crise militaro-politique que le pays a connue pendant huit longues années.

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