Bluemind Foundation organise la première édition de la formation Heal by Hair. Un programme de formation court qui vise à̀ former 30 professionnelles de la coiffure afin d’en faire des ambassadrices de la santé mentale.
Par Issiaka N’Guessan, à Abidjan
Marie-Alix de Putter veut des femmes africaines en bonne santé mentale pour contribuer à la productivité et ainsi apporter de leur savoir-faire au développement du continent africain. En Afrique un peu plus de 60 millions de femmes souffrent de maladie mentale selon la présidente fondatrice de Bluemind Foundation. Pour éviter à d’autres femmes de subir le traumatisme qui a été le sien, Marie-Alix de Putter a fait mener une étude sur 148 coiffeuses. 67% des femmes soutiennent se confier à leurs coiffeuses et 90% de celles-ci assurent échanger avec leurs clientes.
« On a demandé aux femmes à savoir que si une coiffeuses a une formation de base en santé mentale serait un critère de choix pour elles, 6 femmes /10 estiment que ce serait un critère de choix » rapporte Marie-Alix de Putter.
Son ONG, Bluemind Foundation, a engagé 32.8 millions FCFA pour la formation de 30 coiffeuses à Abidjan sur 250 dossiers reçus. Les stagiaires sont issues de Yopougon, Cocody et Abobo, des quartiers à forte densité de population, dans la capitale économique ivoirienne, Abidjan. Ces 30 femmes sont la première cohorte du programme Heal by hair (NDLR : guérir par les cheveux).
« On va pouvoir toucher 10800 femmes car une coiffeuse voit 7 femmes par jour » souligne Marie-Alix de Putter.
Outiller des piliers de l’économie
La première étape d’un pari des plus ambitieux. Marie-Alix de Putter envisage atteindre « 5 millions de femmes dans 20 villes africaines avec un objectif de 1000 coiffeuses à former » d’ici 2035. Elle estime que « les femmes sont un pilier de l’économie africaine avec 26% de femmes entrepreneures, le pourcentage le plus élevé au monde. »
Les zones rurales seront touchées « car tout le monde a droit au bonheur » soutient-elle. 50 mille euros soit 32 millions 800 mille FCFA constituent le budget par formation. « Les bénéfices sont pour les femmes, les communautés car une femme aujourd’hui qui souffre est une femme qui ne peut travailler, qui ne peut contribuer de façon efficace à l’économie, ce sont des familles qui souffrent parce qu’il y a un mal-être dans la famille » indique la présidente de Bluemind Foundation. Elle rappelle que « L’Afrique a le taux de suicide le plus élevé au monde », d’où l’intérêt recherché du côté du secteur privé et des pouvoirs publics.
Les coiffeuses qui constituent un maillon de l’économie du pays dans le secteur de l’esthétique et de la coiffure bénéficieront « d’un renforcement en alphabétisation pour accompagner la croissance de leur activité », assure la présidente de Bluemind Foundation.
Objectif de la formation
Il s’agit selon Marie-Alix de Putter, à travers le projet « Heal by hair », de « permettre aux coiffeuses ambassadrices d’être attentives et de reconnaître les premières manifestations de troubles mentaux ou l’aggravation de troubles préexistants. »
Une évaluation sur les connaissances distillées sanctionnera la formation qui sera dispensée par des thérapeutes dont Dr Olga Porquet, médecin psychiatre et membre du conseil scientifique de Bluemind Foundation, spécialisée en Psycho-traumatologie.
En Afrique, selon elle, « il y a 110 millions de personnes qui seraient touchées par la maladie mentale dont 60% de femmes âgées de moins de 25 ans. C’est la même réalité en Côte d’Ivoire » fait-elle savoir, même si elle estime que ces chiffres sont « sous-estimés ». Elle explique que « être femme, de manière épidémiologique, c’est un facteur de vulnérabilité particulièrement en Afrique » car la femme assure beaucoup de corvées. « Leur santé mentale sera impactée » assure Dr Porquet.
Sur le choix de la cible de la formation, Dr Porquet soutient que « les coiffeuses sur le plan social ont une grande importance ». Autre motif, le fait que les femmes se sentent à l’aise dans un salon de coiffure. « On s’y sent à l’aise parce qu’on peut parler librement entre femmes, parce qu’on est écouté donc déjà les coiffeuses pourraient constituer un relais très important en termes de santé mentale » indique Dr Olga Porquet. Toutefois, elle reconnaît que « tout cela doit être structuré, que ce ne soit pas des confidences faites dans le salon de coiffure, que ces coiffeuses puissent être réellement un maillon de la chaîne de soins de santé mentale, qu’elles puissent nous aider. »
« Après cette formation, on assistera à un changement de comportement dans les salons de coiffure »
Critère technique, le sous-effectif des médecins psychiatres qui sont selon Dr Porquet en Côte d’Ivoire, « une cinquantaine pour 26 millions d’habitants ». Ces coiffeuses qui seront formées constitueront « un support formé pour orienter vers les spécialistes en santé mentale ».
Les participantes auront la définition de la santé mentale, « déconstruire les préjugés autour de la santé mentale, leur apprendre l’importance de l’empathie, de la confidentialité, leur apprendre à détecter les signes de souffrance en santé mentale et leur parler de certains éléments qui pourraient être à la base de la santé mentale notamment les violences conjugales mais surtout le mot d’ordre est écouter, observer et orienter vers un spécialiste » précise Dr Porquet.
Soro Minata Silué, présidente de l’union des professionnels de la coiffure de Yopougon a plaidé pour un suivi de la formation. Selon elle, « après cette formation, on assistera à un changement de comportement » dans les salons de coiffure. La formation prend fin le 6 avril prochain.
Le Cameroun et le Togo sont les prochains pays qui recevront la caravane africaine de Bluemind Foundation.