A deux mois de la COP27 à Charm El-Sheikh, le Centre mondial pour l’adaptation climatique (CGA) a tenu, à Rotterdam, un sommet sur le financement du dérèglement climatique en Afrique, évalué à 25 milliards de dollars d’ici 2025. Mais les chefs d’États africains ont surtout dénoncé l’absence des leaders des pays industrialisés, les plus pollueurs.
Par Mérième Alaoui
Lire la suite : Climat : Qui va financer les milliards dont l’Afrique a besoin ?« Je ne peux manquer de noter, avec amertume, l’absence des dirigeants du monde industrialisé », a lancé, d’un air grave, Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine et président du Sénégal, lors de l’ouverture du sommet. « Puisque ce sont les principaux pollueurs de cette planète, ce sont eux qui doivent financer l’adaptation », a poursuivi le président sénégalais. Une déclaration forte appuyée entre autres par Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo (RDC) : « Je voudrais également déplorer l’absence des leaders des nations industrialisées ainsi que des représentants du secteur privé ». A deux mois de la COP27, prévue en novembre, à Charm El-Sheikh (Egypte), les leaders africains se sont réunis pour évoquer le financement pour l’adaptation du continent. Soit les mesures concrètes pour réduire l’exposition et la vulnérabilité des pays et populations aux effets du changement climatique.
Le constat est alarmant d’injustice. Et l’enjeu est crucial pour les Africains. Bien qu’ils ne représentent qu’environ 2 à 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ils en subissent les conséquences de manière disproportionnée. « Sur les 10 pays les plus vulnérables au changement climatique, 9 sont sur le continent africain », a rappelé l’ancien secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon.
D’après le dernier volet du rapport « État du climat en Afrique 2021 » de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), les inondations, les sécheresses et le manque d’eau potable touchent environ 250 millions de personnes et pourraient entraîner le déplacement de 700 millions d’Africains d’ici à 2030.
« Il est plus coûteux de ne pas agir contre le changement climatique que d’agir »
D’après les calculs de la Banque africaine de développement (BAD), l’Afrique a besoin d’un financement global de 1 300 à 1 600 milliards de dollars, entre 2020 et 2030, comme détaillé dans son rapport sur les perspectives économiques africaines en 2022. Mais à Rotterdam, il s’agissait surtout de boucler la note la plus urgente de 25 milliards d’ici à 2025. La BAD s’est engagée à régler la moitié. Mais, qui va financer l’autre partie ? Dans le communiqué final du sommet de Rotterdam, plusieurs pays européens (via des émissaires ou par vidéo) ont annoncé de nouvelles contributions pour un total de 55 millions de dollars : le Royaume-Uni à hauteur de 23 millions de dollars, la Norvège avec 15 millions de dollars, la France a promis 10 millions de dollars et le Danemark 7 millions. Les comptes sont donc loin d’être bouclés. Pourtant le contexte économique et géopolitique mondial renforce la gravité. « La situation d’urgence climatique prévue de longue date est bien là et elle amplifie la crise alimentaire, énergétique et budgétaire mondiale provoquée par le Covid-19 et la guerre en Ukraine », a expliqué le président Macky Sall.
Pour tenter de contrer ce scénario catastrophe, des solutions concrètes ont été avancées. Le rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) formule donc un certain nombre de recommandations urgentes comme l’amélioration du système d’alerte précoce ; la mise en place de simples messages textuels ou vocaux par exemple, pour informer les agriculteurs sur le meilleur moment pour planter, irriguer… Mais surtout, pour les avertir d’éventuelles conditions météorologiques extrêmes. Des projections qui devraient stimuler le secteur privé, car génératrices d’économie et d’emplois. A l’heure actuelle, seuls 40% de la population africaine ont accès à ces systèmes d’alerte. Sans faire plus d’annonces concrètes, alors que Washington prépare le sommet des dirigeants Etats-Unis/Afrique, en décembre prochain, l’émissaire américain pour le climat, John Kerry, alors en réunion en Egypte, a déclaré qu’« il est plus coûteux de ne pas agir contre le changement climatique que d’agir », invitant à trouver des ressources via le « secteur privé » pour « financer la transition écologique ». Après la COP26 à Glasgow qui n’a pas été à la hauteur des attentes, la COP27, qui se déroule cette fois sur le continent africain, mobilise tous les espoirs des chefs d’État, qui devraient saisir cette occasion pour se montrer plus offensifs.