A la uneActualité
A la Une

CEEAC : à Malabo, l’Afrique centrale redessine son avenir commun

Le 7 juin 2025, la capitale équato-guinéenne a accueilli la XXVIe Session des chefs d’État de la CEEAC et la IIe Conférence maritime. Deux sommets décisifs pour poser les jalons d’une intégration plus forte, d’une gouvernance régionale stable et d’une meilleure sécurisation de l’espace maritime. Mais ces ambitions se heurtent encore à la réalité des tensions géopolitiques et des défis persistants qui fragilisent la cohésion régionale…

Réunis à Malabo, les dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) ont affiché une ambition commune : accélérer l’intégration politique et économique d’une région encore en quête de stabilité. Fondée en 1983, la CEEAC regroupe 11 pays membres – dont le Cameroun, le Gabon, la RDC, le Tchad ou encore la Guinée équatoriale – représentant environ 180 millions d’habitants. Si elle partage une riche mosaïque culturelle et d’importantes ressources naturelles, la région reste marquée par des conflits persistants, une faible industrialisation et une dépendance aux exportations de matières premières.

En 2025, la Banque africaine de développement estime que la croissance moyenne des pays d’Afrique centrale s’accélérera, passant de 4,1 % en 2024 à 4,7 % en 2025, dynamisée notamment par la République démocratique du Congo et le Tchad

Pourtant, cette croissance reste insuffisante pour répondre à la pression démographique, aux besoins d’emplois et aux défis sécuritaires. En toile de fond : la crise au Soudan, les tensions dans l’Est de la RDC, les instabilités politiques au Tchad ou en Centrafrique, et désormais, le retrait du Rwanda, annoncé le 8 juin 2025, qui soulève de nombreuses interrogations économiques et géopolitiques.

L’intégration régionale en débat

Autant de questions au menu du sommet de Malabo qui s’est tenu sous le thème : « Consolider les acquis de la réforme de la CEEAC pour accélérer l’intégration régionale et la construction d’une communauté de destin en Afrique centrale ». Une référence directe à la réforme institutionnelle engagée depuis 2019, qui vise à rendre la communauté plus efficace, avec une Commission dotée de pouvoirs élargis, et un secrétariat général réformé basé à Libreville.

Lors de son intervention, le président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, a souligné : « L’Afrique centrale a besoin d’une gouvernance forte, coordonnée et souveraine pour faire face aux menaces régionales et mieux valoriser ses ressources. »

La déclaration finale du sommet mentionne la nécessité d’harmoniser les politiques macroéconomiques, de renforcer la libre circulation des personnes et des biens, et d’améliorer les mécanismes de prévention et de résolution des conflits.

Des défis maritimes centraux

@CEEAC

En parallèle, la IIe Conférence maritime d’Afrique centrale (COMAR) a mis en lumière l’importance stratégique de l’économie bleue. Plus de 5 000 km de côtes bordent les pays de la CEEAC, et les eaux maritimes représentent un potentiel majeur pour le commerce, la pêche durable, le transport, mais aussi les menaces sécuritaires.

Le thème de la COMAR, « Œuvrer pour la gouvernance et la sécurisation de l’espace maritime et des eaux continentales partagées », traduit cette volonté de passer à l’action. Le président de la Commission de la CEEAC, l’Angolais Gilberto Da Piedade Verissimo, a affirmé : « Nous devons mutualiser nos moyens pour protéger notre espace maritime contre la piraterie, les trafics illicites et les atteintes à l’environnement. »

À l’issue de la conférence, les États membres se sont engagés à adopter une charte maritime régionale, à créer un centre régional de coordination maritime, et à mettre en place un programme de surveillance satellite pour le suivi des activités maritimes.

Le retrait du Rwanda, une fracture à gérer

Ce sommet a également été marqué par le retrait du Rwanda de la CEEAC, annoncé le 8 juin. Kigali justifie sa décision par des désaccords persistants au sujet du rôle de la CEEAC dans la gestion du conflit avec la RDC.

Cette annonce pose des questions sur la cohésion régionale, la place du Rwanda dans les chaînes de valeur régionales, et la viabilité des initiatives transfrontalières, notamment dans le domaine de la logistique, de la cybersécurité ou encore de l’énergie.

Une communauté de destin, encore à construire

Malgré ce revers, les conclusions du sommet laissent entrevoir une volonté politique renforcée. Les chefs d’État ont convenu de la mise en place d’un mécanisme d’évaluation annuelle de l’intégration régionale, la création d’un fonds commun pour la paix et la sécurité, et la tenue d’un forum économique annuel de la CEEAC, dès 2026.

La construction d’une véritable communauté de destin passe aussi par une implication accrue des citoyens, des femmes, des jeunes et du secteur privé. Comme l’a rappelé Paul Biya, président du Cameroun, « Il nous faut une CEEAC au service des peuples, pas seulement des États. »

Un tournant stratégique pour l’Afrique centrale

Le double sommet de Malabo a mis en évidence les avancées et les fragilités de la CEEAC. Si les ambitions sont claires – plus d’intégration, plus de sécurité, plus de coopération maritime –, les tensions politiques, les divergences nationales et le manque de financement restent des obstacles majeurs. Le succès des résolutions adoptées dépendra de leur mise en œuvre effective et de la capacité des États à dépasser leurs intérêts immédiats pour construire un avenir commun.

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page