CEDEAO : 50 ans d’intégration régionale entre acquis, tensions et avenir incertain
Fondée en 1975 pour promouvoir l’intégration économique et politique en Afrique de l’Ouest, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) célèbre son cinquantenaire. Malgré des avancées notables en matière de libre circulation et de sécurité régionale, l’organisation traverse une crise sans précédent, marquée par le retrait de trois pays membres. Ce bilan contrasté interroge sur l’avenir de l’un des piliers de l’intégration africaine.

Le 28 mai 2025 marque le 50e anniversaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), créée en 1975 à Lagos pour favoriser l’intégration économique et politique de la région. Avec ses 15 États membres initiaux, l’organisation s’est imposée comme un acteur majeur du développement régional, notamment à travers la mise en place de la libre circulation des personnes et des biens, et la création d’un marché commun estimé à plus de 700 milliards de dollars pour environ 400 millions d’habitants.
Cependant, ce jubilé d’or est assombri par des défis majeurs. En janvier 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé leur retrait de la CEDEAO, reprochant à l’organisation de s’éloigner des idéaux de ses pères fondateurs et du panafricanisme. Ces départs, les premiers en 50 ans d’histoire, ont conduit à la formation de l’Alliance des États du Sahel (AES) par ces trois pays, qui ont également rompu leurs liens militaires avec leurs partenaires occidentaux pour se tourner vers la Russie.
La CEDEAO fait face à des défis internes… Nous devons réinventer notre approche pour rester pertinents dans un monde en constante évolution
Le retrait de ces trois pays a été un choc pour l’organisation et ses membres. Comme l’a souligné le président de la CEDEAO, Jean-Claude Kassi Brou, lors du sommet de 2024 : « La CEDEAO fait face à des défis internes, mais son objectif reste celui de la paix et de la prospérité pour tous ses citoyens. Nous devons réinventer notre approche pour rester pertinents dans un monde en constante évolution. »
Malgré ces tensions, la CEDEAO continue de jouer un rôle crucial dans la région. Elle a notamment mis en place l’Ecomog en 1990, une force d’intervention régionale lors de la guerre civile au Libéria, et adopté des protocoles sur la paix, la sécurité, la démocratie et la bonne gouvernance. Selon Alhaji Mohamed Ibn Chambas, ancien représentant spécial des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest : « La CEDEAO a été une force stabilisatrice majeure en Afrique de l’Ouest, et sans elle, de nombreuses crises auraient pris une tournure beaucoup plus violente. »
Des réformes nécessaires
Les célébrations du cinquantenaire ont débuté le 22 avril 2025 à Accra, au Ghana, en présence de plusieurs chefs d’État et de gouvernement. Ces festivités sont l’occasion de réfléchir aux réalisations de l’organisation, mais aussi aux réformes nécessaires pour renforcer son efficacité et sa légitimité auprès des citoyens ouest-africains.
À cette occasion, Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, ancien président du Ghana et président en exercice de la CEDEAO, a affirmé : « Nous devons réformer notre organisation pour la rendre plus inclusive et plus réactive face aux défis qui se présentent. L’Afrique de l’Ouest ne peut se permettre de rester figée dans le passé. »
Nous devons réformer notre organisation pour la rendre plus inclusive et plus réactive face aux défis qui se présentent
Alors que la CEDEAO se projette vers l’avenir avec sa Vision 2050, visant à construire une région intégrée, prospère et pacifique, les défis restent nombreux. La question de la réintégration des pays de l’AES, la consolidation de la démocratie, la lutte contre le terrorisme et le développement économique inclusif sont autant d’enjeux cruciaux pour l’organisation dans les années à venir.
Le retrait des pays du Sahel met en lumière la fracture entre les aspirations politiques et les réalités géopolitiques. Comme le souligne l’économiste et analyste politique sénégalais, Dr. Abdoulaye Bathily : « L’avenir de la CEDEAO dépendra de sa capacité à s’adapter aux nouvelles dynamiques géopolitiques, notamment en réconciliant les besoins de sécurité et de développement. »
Dans un contexte mondial de plus en plus polarisé, l’organisation devra également faire face aux défis de la gouvernance et de la coopération entre ses membres. Mais comme le rappelle Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations unies : « Les organisations régionales comme la CEDEAO ont un rôle central à jouer dans le maintien de la paix et de la stabilité en Afrique, mais elles doivent évoluer pour répondre aux attentes et aux aspirations de leurs citoyens. »
L’avenir de la CEDEAO dépendra de sa capacité à s’adapter aux nouvelles dynamiques géopolitiques, notamment en réconciliant les besoins de sécurité et de développement
À l’heure des bilans, l’organisation peut se vanter de nombreuses réussites, mais la voie à suivre reste semée d’embûches. L’unité régionale et l’intégration économique, moteurs essentiels de l’ambition de la CEDEAO, nécessitent plus que jamais une refonte des politiques et des stratégies de gouvernance.