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Cart’Afrik : Modèle d’éducation africaine

Cette analyse et étude servira de recommandation pour améliorer le modèle éducatif africain en vue de l’émergence prévue pour 2063. En effet, d’ici 2063, selon l’Union Africaine, l’Afrique comptera plus de 2 milliards d’habitants, soit 25% de la population mondiale, dont la moitié sera composée de jeunes. En ce sens, un système éducatif traditionnel ne pourra pas absorber une telle masse critique de jeunes étudiants.

Par Cédric Yamdjeu*

Pour pallier ce problème, il est important que le continent invente son propre modèle, en s’inspirant des dragons asiatiques, dont la Corée du Sud. Cette recommandation sera faite en trois étapes : l’explication du modèle éducatif sud-coréen, l’impact actuel de l’éducation et en général du capital humain sur l’économie sud-coréenne, la création d’un modèle africain inspiré de ce dernier, la prise en compte des contexte du continent.

1) Explication du modèle éducatif sud-coréen

Le système scolaire sud-coréen est un système caractérisé par cinq niveaux : école primaire, collège, lycée, école technique et enseignement supérieur comme illustré dans le tableau ci-dessous :


Figure 1 : Tableau du système éducatif sud-coréen par niveau d’enseignement, âge, classe

Selon le CIA World Factbook, le taux d’alphabétisation de la population de plus de 15 ans au pays du matin calme était d’environ 97,9 % en 2012 (plus précisément près de 99,2 % pour les hommes et 96,6 % pour les femmes).

Le système HAGWON

Le système sud-coréen se caractérise par la présence de hagwons, des écoles publiques coûteuses fréquentées par la quasi-totalité des écoliers du pays. Ces derniers se caractérisent par des cours de tutorat avec un créneau horaire de 18h à 22h. De l’école primaire au lycée, les jeunes sud-coréens ont une charge de travail intellectuelle immense afin de se préparer au suneung, l’examen qui détermine l’entrée des étudiants à l’université (équivalent du BAC national).

En 2013, les ménages sud-coréens ont investi près de dix-huit milliards de dollars dans l’enseignement privé, un chiffre unique pour un pays de cinquante millions d’habitants.

Les extraordinaires résultats académiques de ce « Plan Marshall éducatif » se sont vite fait sentir, car en termes d’éducation, la Corée du Sud détient un excellent classement à l’échelle mondiale.

En 2013, le PISA (Programme for International Student Assessment) de l’OCDE, qui certifie les résultats des élèves du secondaire dans 60 pays à travers le monde, a classé la Corée du Sud dans le top cinq en mathématiques et en lecture.

2) Impact actuel de l’éducation sur l’économie sud-coréenne

La Corée du Sud est désormais la 15e plus grande économie du monde avec un produit intérieur brut d’environ 1538 milliards de dollars en 2017, avec un PIB par habitant de 39 400 dollars, plus que l’Espagne et l’Italie et presque autant que la France et le Japon. Dans cette section, nous mettrons en évidence le capital humain et l’éducation qui sont à l’origine de la position économique actuelle du pays du matin calme.

Comme le Japon, la Corée du Sud se caractérise par son manque de ressources naturelles et a par conséquent misé sur le capital humain, l’éducation de sa population, l’accumulation de connaissances et de savoir-faire comme l’affirme l’économiste Schultz pour devenir aujourd’hui l’une des plus grandes économies mondiales.

Selon Lee Jong-Won, le capital humain est resté le vecteur décisif de la croissance économique coréenne pendant trois décennies, entre 1960 et 1990. C’est l’une des raisons fondamentales pour lesquelles la Corée du Sud est en avance sur d’autres économies émergentes telles que Hong Kong, Singapour et Taïwan.

De plus, les facteurs de croissance de la scolarisation dans le secondaire et la baisse de la jeunesse non scolarisée, notamment chez les filles, ont conforté l’avance de la Corée du Sud sur les autres dragons asiatiques.


Fig 2 : Taux de croissance annuels moyens (en %)

Un autre facteur qui nous incite à souligner le rôle du capital humain dans le développement économique coréen est le bilan du pays en matière d’innovation et de recherche et développement. Selon Thomson Reuters, la Corée du Sud était en 2012 le quatrième pays le plus innovant au monde, derrière les États-Unis, le Japon et la France et devant la Suède, la Suisse, la Belgique et l’Allemagne.

3) Créer un modèle éducatif : African Lion Education

Avant de proposer un modèle éducatif résolument panafricain tourné vers le monde, cette partie mettra en lumière l’état des lieux de l’enseignement et de l’éducation en Afrique.

Le continent compte déjà 600 millions de jeunes, soit la moitié de la population africaine, et en comptera le double en 2060, soit près d’1 milliard de jeunes, soit autant d’enfants qu’il faudra scolariser. Or, selon l’ISU (Institut de statistique de l’UNESCO), près de 20 % des enfants de 6 à 11 ans ne sont pas scolarisés et près d’un tiers des jeunes de 12 à 14 ans ne sont pas non plus scolarisés. De plus, seuls 7% de la même tranche d’âge ont accès à l’enseignement supérieur, contre 80% dans les pays développés.

Néanmoins, l’éducation progresse à un excellent rythme sur le continent, avec 80% des jeunes Africains ayant accès à l’école primaire contre 64% en 2000 et 25% des enfants entrant dans le secondaire contre 3% il y a dix ans. Enfin, il existe de profondes divergences sur la question en Afrique. Tout d’abord, il existe des différences entre les sexes : les filles sont scolarisées deux fois moins longtemps que les garçons. Deuxièmement, la fuite des cerveaux (professeurs et étudiants) contribue à la détérioration de l’enseignement supérieur et ne pourra pas absorber la masse critique d’étudiants. Enfin, l’inadéquation entre les besoins en matière d’éducation et d’emploi montre qu’il convient de mettre davantage l’accent sur la formation professionnelle.

Notre recommandation, inspirée des dragons asiatiques, couvrira à la fois l’enseignement et l’éducation, dans les secteurs public et privé, et se veut transversale (du primaire au secondaire jusqu’à l’université).

Au niveau des dépenses publiques, on constate une inégalité des budgets nationaux dédiés à l’éducation selon les pays. Par exemple, le Nigeria ne consacre que 7% de son budget à l’éducation de sa population, alors qu’en Côte d’Ivoire et au Sénégal il est de 25%. A titre de comparaison, la Corée du Sud consacre depuis 1999 entre 20 et 25% de son budget national. Nous recommandons donc que toutes les administrations africaines consacrent environ 25% de leur budget à l’éducation de leur population.

Les écoles primaires et secondaires sont les bases d’une éducation réussie, compte tenu de l’âge des élèves de 3 à 18 ans. Ils sont aussi la préparation et l’entrée dans l’enseignement supérieur ou universitaire. L’enseignement primaire et secondaire devrait être dispensé sur le modèle des arts libéraux, largement basé sur l’échange, le développement de projets, la formation à l’entrepreneuriat (sous forme de micro-projets, de jeux).

Pour transformer l’éducation en Afrique, il est nécessaire que l’enseignement soit basé sur des matières fondamentales avec certains compléments :

Scientifiques : mathématiques, physique, technologie, comptabilité, économie…

Littéraire : pour les pays francophones, l’objectif est de converger vers le bilinguisme voire le trilinguisme (enseignement du français, de l’anglais, langue locale idéalement reconnue comme langue officielle comme le swahili au Rwanda, complété par l’apprentissage du mandarin)

Culturel : l’histoire et la connaissance de la géographie sont d’une grande importance dans la vie d’une nation, « on ne peut pas savoir où l’on va si on ne sait pas d’où l’on vient ». Il est impératif de compléter l’enseignement de l’histoire de nos enfants avec des livres écrits par nos auteurs panafricains et ou avec des livres comme l’Histoire générale de l’Afrique de l’UNESCO en plusieurs thèmes.

Un système de classes préparatoires « panafricaines » inspirées du Hagwon sud-coréen devrait être mis en place dans un premier temps au niveau des lycées, qui proposeraient essentiellement des cours de soutien et/ou de révision individuelle ou collective avec des plages horaires de 18h à 21h en semaine et de 8h30 à 12h le samedi. Le Collège Libermann au Cameroun est une parfaite illustration de ce système.

L’objectif de ces recommandations est de mettre en place un « Baccalauréat International Africain » pour renforcer le dispositif actuel : en Afrique francophone, le Baccalauréat Général (séries C, D, A, B, TI), le Baccalauréat Technique (F4, F3 …) dans le système anglo-saxon, les Cambridge International AS & A Levels. Les élèves de ce baccalauréat auront la possibilité de faire des stages de quelques semaines à 3 mois dans une entreprise, une ONG ou un organisme public comme le font les élèves du groupe panafricain ENKO Education.

L’université africaine par excellence s’appuiera sur les modèles actuels ADU (African Development University) ou ALU (African Leadership University) qui placent le leadership éthique au centre de leur enseignement et forment les jeunes les plus talentueux d’Afrique pour reconstruire leur continent en futurs décideurs, dans le secteur privé et public.

Enfin, le numérique a un rôle fondamental à jouer dans l’éducation de la jeunesse africaine. Il est clair qu’avec une population de jeunes de plus d’un milliard et malgré d’éventuels investissements dans les infrastructures scolaires, il serait extrêmement difficile de scolariser tous ces jeunes par des méthodes conventionnelles. L’inclusion numérique est sans aucun doute la clé du problème, surtout avec 660 millions de personnes connectées à un smartphone. Il faut donc encourager des programmes comme ceux de l’Université Virtuelle Africaine (UVA) en partenariat avec la BAD (Banque Africaine de Développement) qui proposent des centres d’e-learning à distance. L’essor du m-learning avec des applications telles que Reimagine SA, une plateforme qui milite pour la promotion de l’enseignement à distance dans les universités africaines est également à saluer.

Lire aussi : https://www.afrikatech.com/fr/education/etat-des-lieux-du-secteur-education-en-afrique-en-2017/

Sources : http://k-phenomen.com/2017/12/02/education-en-coree-du-sud-un-modele-de-reussite/ https://www.lepoint.fr/societe/education-pourquoi-la-coree-est-premiere-de-la-classe-22-01-2015-1898575_23.php https://www.leconomistemaghrebin.com/2018/09/09/le-systeme-educatif-coreen-un-modele-a-suivre-ou-un-enfer-a-eviter/ Le capital humain : un facteur clé du modèle de développement coréen Rang-Ri Park-Barjot, Jmmyn Parc1

Cedric Yamdjeu, expert digital est Fondateur de 50 Afrique.

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