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Burkina Quatre ans après l’insurrection, un bilan « mitigé »

L’organisation de la société civile « le Balai citoyen » a joué un rôle majeur dans l’insurrection populaire de fin octobre 2014 qui a emporté le régime du président Blaise Compaoré. Trois ans après l’avènement au pouvoir du président Roch Marc Christian Kaboré, « le bilan du nouveau régime reste mitigé » foi de Ousmane Miphal Lankoandé, membre de la coordination nationale du Balai citoyen chargé de la prospective.

Entretien réalisé par Ibrahima SANOU à Ouagadougou

4 ans après l’insurrection populaire et trois ans après l’avènement au pouvoir du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) avec le président Roch Marc Christian Kaboré, quel bilan peut-on faire de la gouvernance actuelle ? 

D’abord, il y a des acquis de non-retour obtenus par le peuple avec l’insurrection populaire et qui ne sont pas liés à la volonté du régime actuel. Il s’agit notamment de certaines libertés démocratiques et de certaines libertés de presse. Ce sera difficile pour le régime actuel de vouloir remettre en cause ces acquis. Au de-là de ces acquis, la gouvernance actuelle en elle-même, n’est pas celle qui était attendue. Elle n’est pas différente de celle de l’ancien régime du point de vue de l’amélioration des conditions de vie et du bien-être des citoyens. Elle est marquée par des pratiques de corruption, de concussion et de népotisme. Les rapports de l’Autorité supérieure de contrôle d’État et de lutte contre la corruption (ASCELC) révèlent des cas de corruption qui ne sont pas sanctionnés. Mais à mon avis, la gestion actuelle n’est pas une surprise, on devrait s’y attendre car ceux que les burkinabè ont reconduit aux affaires par le jeu démocratique, c’est eux qui étaient des membres influents de l’ancien régime, donc je ne vois pas comment ils peuvent acquérir de nouvelles qualités. Mais si les choses continuent ainsi, c’est sûr que les gens vont s’organiser de nouveau de manière à réaliser leurs volontés.

La gouvernance actuelle ne prouve-t-elle pas que l’après insurrection n’a pas été préparé par ceux qui ont porté la contestation de 2014 ?

En effet, l’après insurrection n’a pas été préparé parce que l’insurrection a été un évènement qui nous a tous surpris. Tout le monde s’attendait à ce que quelque chose se produise à cette époque mais on ne s’attendait pas à ce qui est arrivé. L’insurrection a pris tout le monde au dépourvu y compris ses théoriciens de l’ombre si bien qu’à un moment donné, « le Balai citoyen » s’est retrouvé tout seul devant la lutte et on l’a accusé d’avoir vendu la lutte. Pour que les jeunes particulièrement de la société civile s’accaparent de l’Assemblée nationale post-insurrection, il aurait fallu penser à créer des structures politiques, cela n’a pas été fait. Le « Balai citoyen » n’est pas politique, donc on ne pouvait pas se retrouver dans les compétitions politiques. Le résultat aujourd’hui, c’est que tout le monde constate que l’Assemblée Nationale actuelle ne porte pas suffisamment dans la pratique et dans ses délibérations une marque des insurgés.

Le « Balai citoyen » n’est pas politique. Quelles sont donc les missions actuelles de votre mouvement quatre ans après l’insurrection populaire ?

Avant l’insurrection populaire, notre mouvement a mené des actions de contestation, des marches et des meetings pour le respect de la constitution. L’après insurrection est marquée par des missions de veille. Sous la transition, le « Balai citoyen » a contribué par la réflexion à opérer des réformes politiques et institutionnelles dans la constitution notamment le verrouillage de l’article 37 qui consacre l’élection du président du Faso à un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois.  Après l’installation des nouvelles autorités, le Balai citoyen s’est engagé dans des actions beaucoup plus pérennes et soutenues. Avec des partenaires comme Oxfam et Diakonia, nous avons mis en place un projet de mobilisation des jeunes pour leur participation au processus de décision au niveau local. Nos militants mènent des actions auprès des maires en étant les portes voix des populations. Je disais que nous avons constaté que l’Assemblée Nationale actuelle ne porte pas suffisamment dans la pratique les aspirations du peuple insurgé d’octobre 2014. C’est pourquoi, nous avons lancé l’année dernière, le projet « Alliance jeune et parlementaire » qui consiste à emmener les jeunes à s’intéresser aux travaux de l’Assemblée Nationale et emmener les députés à prendre en compte les intérêts socio-économiques des jeunes parce que ces derniers ont été majoritaires dans l’insurrection. Nous avons aujourd’hui près de 250 jeunes issus de plusieurs localités du pays qui tiennent mensuellement des activités pour recenser les préoccupations des différentes localités qu’ils vont soumettre à l’Assemblée Nationale à travers leurs représentants.

Quelle lecture faites-vous de la situation sécuritaire du pays ?

La situation sécuritaire est très inquiétante et sa gestion ne rassure pas. Il y a comme une gestion par procuration de notre sécurité à des forces extérieures notamment le G5 Sahel. Il y aurait fallu dès le début, organiser un débat avec l’ensemble de la population pour décider comment on va s’organiser pour des stratégies de défense du pays. Comme nous venons d’avoir un nouveau gouvernement avec de nouveaux ministres de la sécurité et de la défense, nous attendons de les voir à l’œuvre.

Entretien réalisé par Ibrahima SANOU à Ouagadougou

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