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BRICS+ : défier l’ordre mondial occidental dirigé par les États-Unis et ouvrir la voie à un monde multipolaire

L'élargissement de BRICS en BRICS+ avec de nouveaux membres comme l'Iran et l'Éthiopie marque un tournant. Le bloc vise à défier l'hégémonie occidentale et à promouvoir un ordre mondial multipolaire, plus équitable et inclusif.

Par Fasil MBA*

BRICS+, une organisation intergouvernementale à l’origine composée du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud, a récemment élargi ses membres pour inclure l’Iran, l’Égypte, l’Éthiopie et les Émirats Arabes Unis. Cette expansion, finalisée lors du 16e Sommet des BRICS qui s’est tenu à Kazan, en Russie, du 22 au 24 octobre 2024, marque un moment historique dans les relations internationales et l’économie. BRICS+ représente désormais environ 47 % de la population mondiale et représente 36 % du PIB mondial. Le PIB combiné du bloc devrait atteindre 65 billions de dollars américains, augmentant ainsi considérablement son poids économique sur la scène mondiale. Le bloc se positionne comme un rival géopolitique du G7, qui représente environ 29 % du PIB mondial et une portion beaucoup plus petite de la population mondiale, soit environ 10 %. L’émergence de BRICS+ signale la montée de nouvelles alternatives technologiques et financières, redéfinissant l’ordre mondial. Plus de 40 pays, y compris la Turquie et l’Indonésie, ont exprimé leur intérêt à rejoindre, soulignant son attrait en tant qu’alternative aux institutions dominées par l’Occident.

Histoire des BRICS

Les BRICS ont vu le jour en tant que concept économique lancé par l’économiste de Goldman Sachs Jim O’Neill en 2001, faisant référence à des marchés émergents ayant un potentiel de croissance significatif. En 2009, ces nations ont formalisé leur coopération dans le but de relever les défis mondiaux et de réformer les institutions financières internationales. L’inclusion de l’Afrique du Sud en 2010 a élargi le groupe en BRICS, et l’ajout de nouveaux membres en 2024 sous BRICS+ reflète l’ambition du bloc de favoriser un ordre mondial plus équitable et multipolaire.

BRICS+ : Une plateforme pour la multipolarité

BRICS+ n’est pas seulement un bloc économique ; c’est un véhicule de coopération géopolitique parmi les puissances émergentes. En défiant les institutions dirigées par l’Occident, BRICS+ cherche à établir un ordre mondial multipolaire qui reconnaît l’importance croissante du Sud global. Des initiatives telles que la Nouvelle Banque de Développement (NDB) et BRICS Pay fournissent aux pays membres des alternatives aux systèmes financiers dominés par les États-Unis, permettant une plus grande autonomie et réduisant la dépendance aux mécanismes financiers occidentaux. Historiquement, la politique et l’économie mondiales ont été dominées par les États-Unis et leurs alliés occidentaux. Cependant, la montée de BRICS+ signale un déplacement vers un monde multipolaire où aucune puissance unique ne dicte l’agenda mondial. L’accent mis par le bloc sur la souveraineté, le respect mutuel et la non-ingérence remet en question la mentalité coloniale qui a caractérisé les puissances occidentales pendant des siècles.

Nouvelle Banque de Développement des BRICS : Une alternative stratégique au FMI et à la Banque mondiale

La Nouvelle Banque de Développement (NDB), établie par les BRICS en 2014, offre une alternative convaincante au FMI et à la Banque mondiale dominés par l’Occident. Principalement axée sur le développement des infrastructures et la durabilité dans les marchés émergents, la NDB propose des options de financement exemptes des conditions politiques souvent attachées aux prêts des institutions financières occidentales.

Le capital autorisé initial de la NDB s’élève à 100 milliards de dollars, divisé en 1 million d’actions, chacune ayant une valeur nominale de 100 000 dollars. Parmi cela, le capital souscrit initial est de 50 milliards de dollars, réparti en 10 milliards de dollars d’actions entièrement libérées et 40 milliards de dollars d’actions appelables. Le capital souscrit a été réparti de manière égale entre les cinq membres fondateurs — le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud — garantissant une propriété et une représentation équilibrées.

Une caractéristique distinctive de la NDB est sa structure de gouvernance, qui favorise l’égalité entre ses membres. Chaque État membre dispose d’une voix et, surtout, aucun membre n’a le droit de veto. Ce modèle de gouvernance souligne l’engagement de la banque à favoriser un système financier international plus inclusif et coopératif, où tous les membres ont une voix égale et un pouvoir décisionnel, en contraste avec les dynamiques de pouvoir inégales souvent observées dans des institutions financières traditionnelles comme le FMI et la Banque mondiale.

BRICS Pay et DCMS : L’avenir de l’indépendance financière

BRICS Pay est un système de paiement transfrontalier décentralisé en cours de développement par les pays des BRICS, visant à faciliter les transactions internationales en monnaies locales et à réduire la dépendance au dollar américain. Il sert d’alternative au SWIFT (Société pour les Télécommunications Financières Internationales).

SWIFT, établi en 1973, est un système de messagerie financière mondial qui connecte plus de 11 000 institutions financières dans plus de 200 pays, facilitant la communication sécurisée pour les transactions internationales. Chaque institution se voit attribuer un code SWIFT ou BIC (Bank Identifier Code) unique pour standardiser et sécuriser les messages de transaction. Bien que SWIFT ne gère pas directement les fonds, il permet près de la moitié de tous les paiements transfrontaliers de grande valeur dans le monde.

Basé en Belgique, SWIFT opère sous la loi belge et fait l’objet d’une certaine supervision réglementaire de l’Union européenne. Cependant, comme de nombreuses transactions SWIFT sont effectuées en dollars américains, les États-Unis exercent une influence significative sur les politiques de SWIFT, notamment en matière de sanctions et de contrôles financiers. Cette influence permet aux États-Unis d’utiliser SWIFT comme un outil de stratégie géopolitique en faisant pression sur le réseau pour déconnecter certains pays qui entrent en conflit avec leur politique étrangère, les isolant effectivement financièrement. Par exemple, l’Iran a été coupé de SWIFT en 2012 en raison de son programme nucléaire, et plusieurs banques russes ont été confrontées à une déconnexion en 2022 suite au conflit en Ukraine. L’utilisation stratégique de SWIFT comme instrument géopolitique souligne la domination des puissances occidentales sur le système financier mondial, avec de graves conséquences pour les pays qui en sont exclus, car ils perdent l’accès aux marchés internationaux et aux services bancaires.

BRICS Pay, introduit en 2018 par le Conseil des affaires des BRICS, fonctionne de manière similaire au Système de Paiement Interbancaire Transfrontalier (CIPS) de la Chine et à l’Interface de Paiement Unifiée (UPI) de l’Inde.

BRICS Pay (2024)

Au cœur de BRICS Pay se trouve le Système de Message Décentralisé Transfrontalier (DCMS), développé par l’Université d’État de Saint-Pétersbourg. Le DCMS est conçu pour fonctionner sans un hub central, les participants gérant leurs propres nœuds, le rendant résistant au contrôle ou à l’ingérence externe. Le système permet des frais de transaction optionnels, un routage automatique des transactions et un cryptage robuste, garantissant une communication sécurisée et efficace même en l’absence de liens directs. Avec la capacité de traiter jusqu’à 20 000 messages par seconde et des exigences matérielles minimales, le DCMS est un outil puissant pour améliorer la coopération financière internationale. Le DCMS devrait être open source après avoir passé sa phase pilote, offrant transparence et adaptabilité pour les futures innovations.

Fin de l’hégémonie occidentale dirigée par les États-Unis

La domination de l’Occident, en particulier des États-Unis, a été maintenue par le contrôle des institutions financières mondiales, la coercition économique et les interventions militaires. BRICS+ remet en question cette hégémonie en plaidant pour des réformes institutionnelles et en offrant des solutions régionales qui respectent la souveraineté des États membres. Le bloc met l’accent sur la coopération, le respect mutuel et le développement, responsabilisant des pays auparavant marginalisés sur la scène mondiale.

L’Occident a également utilisé sa domination financière et politique pour imposer des sanctions unilatérales aux adversaires perçus. Cependant, BRICS+ et son développement de systèmes financiers alternatifs, comme BRICS Pay et la NDB, menacent d’affaiblir ces sanctions. Les pays des BRICS+ peuvent désormais commercer et transiger sans dépendre de l’infrastructure financière dominée par les États-Unis, contournant les sanctions liées à l’économie mondiale basée sur le dollar.

Dé-dollardisation et son impact sur l’empire américain

Le processus de dé-dollardisation impulsé par BRICS+ aura des conséquences économiques profondes pour les États-Unis. La demande pour le dollar américain a longtemps permis aux États-Unis de maintenir de grands déficits tout en maintenant une faible inflation. À mesure que de plus en plus de pays adoptent des alternatives au dollar, les États-Unis pourraient perdre leur pouvoir sur la finance mondiale, ce qui entraînera une diminution de l’influence géopolitique des États-Unis.

Vers un nouvel ordre mondial

La montée de BRICS+ et son engagement à créer un ordre mondial multipolaire représentent un défi substantiel pour la domination occidentale. L’expansion de BRICS+ et le développement d’alternatives financières et technologiques, comme la NDB et BRICS Pay, signalent un changement vers une gouvernance mondiale plus équitable. À mesure que le monde se dirige vers un avenir multipolaire, la puissance et l’influence de BRICS+ pourraient redéfinir la dynamique mondiale, offrant de nouvelles opportunités de coopération et de développement pour des pays traditionnellement marginalisés.

*Fasil, MBA de l’ARU Cambridge, est un professionnel polyvalent, cofondateur de Digisuite Solutions LLC et consultant en gestion chez Pangeacons Ltd, également auteur du guide « THE HANDBOOK FOR BUSINESS MANAGEMENT AND ADMINISTRATION ».

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