Banques africaines : cap sur Dubaï et Riyad pour capter le corridor financier Afrique‑Golfe
Alors que plusieurs grandes banques africaines parlent désormais d’ouverture à Dubaï ou Riyad, il ne s’agit plus d’un simple choix géographique. C’est un virage stratégique qui éclaire la recomposition des flux financiers entre l’Afrique et le Moyen‑Orient.

Depuis peu, plusieurs grandes banques africaines ont confirmé leurs projets de s’installer dans les centres financiers du Golfe, marquant un tournant stratégique pour le secteur bancaire continental. Parmi elles, Absa Group, basée en Afrique du Sud, a annoncé sa décision d’ouvrir un bureau de représentation à Dubaï au premier trimestre de 2026, sous réserve d’une agrémentation réglementaire. Comme l’a expliqué Yasmin Masithela, directrice générale de l’unité « Corporate & Investment Banking » d’Absa : « Nous installons un bureau à Dubaï au premier trimestre 2026… Nous attendons simplement l’approbation réglementaire. »
Le bureau aux Émirats arabes unis est un pont stratégique qui relie l’énergie entrepreneuriale de l’Afrique au capital global
Dans le même temps, Equity Group Holdings, le plus grand groupe bancaire kenyan, a reçu l’approbation de ses actionnaires pour l’ouverture d’un bureau de représentation aux Émirats arabes unis, une décision annoncée lors de l’assemblée générale du 25 juin 2025. Le directeur général, Dr James Mwangi, a précisé que « le bureau aux Émirats arabes unis est un pont stratégique qui relie l’énergie entrepreneuriale de l’Afrique au capital global. »
De son côté, United Bank for Africa (UBA), banque panafricaine, est déjà présente à Dubaï via une filiale au Dubai International Financial Centre (DIFC). Le groupe souligne sur son site que « UBA Group est la première banque panafricaine à établir une branche au DIFC directement depuis le Nigeria. »
Les banques africaines ne se contentent plus de servir leurs marchés traditionnels, elles cherchent à capter les flux de capitaux du Golfe et à accompagner les investissements vers le continent
Ces mouvements traduisent un repositionnement stratégique clair. Les banques africaines ne se contentent plus de servir leurs marchés traditionnels, elles cherchent à capter les flux de capitaux du Golfe et à accompagner les investissements vers le continent. Cette orientation s’inscrit dans un contexte plus large où les pays du Golfe intensifient leurs investissements en Afrique. Selon le World Economic Forum, plus de cent milliards de dollars ont été investis par les pays du Golfe en Afrique depuis 2014, et le commerce entre les Émirats arabes unis et l’Afrique subsaharienne a augmenté de plus de 30 % au cours de la même période. Les échanges entre l’Arabie saoudite et la région ont, quant à eux, été multipliés par douze.
Cette dynamique reflète également le besoin des banques africaines de diversifier leurs relais internationaux. Absa souligne que la présence à Dubaï lui permet d’être « le plus près des clients qui pilotent les affaires alignées à leur stratégie ». De la même façon, Equity Group explique que son bureau aux Émirats arabes unis facilitera le commerce et les investissements entre l’Afrique de l’Est et centrale et la région plus large du Moyen‑Orient, de l’Inde et de l’Asie.
Accéder à de nouveaux capitaux
Pour l’Afrique, ce repositionnement est porteur de promesses concrètes. Il offre la possibilité d’accéder à de nouveaux capitaux, de mieux servir la diaspora africaine résidant dans le Golfe et de faciliter les échanges commerciaux. Dans le cas de UBA, la filiale de Dubaï cible spécifiquement les grandes entreprises et institutions financières, renforçant ainsi le rôle de pont entre Afrique et Moyen‑Orient.
Cependant, ce repositionnement soulève aussi des questions cruciales. Comment ces bureaux vont-ils se traduire en financement concret pour l’économie réelle africaine ? L’ouverture de succursales suffit-elle à créer des projets tangibles ou reste-t-elle un geste symbolique ? Par ailleurs, quel impact cette stratégie aura-t-elle sur les services bancaires aux particuliers et à la diaspora africaine dans le Golfe ? Pour l’instant, certaines filiales comme UBA à DIFC opèrent exclusivement pour les grandes entreprises et institutions, ce qui limite l’effet direct sur les particuliers.
Enfin, cette stratégie pose la question de la dépendance ou de la diversification. En concentrant leurs relais financiers sur les hubs du Golfe, les banques africaines risquent-elles de dépendre trop fortement de capitaux externes ? Ou est-ce le début d’une diversification efficace, garantissant des flux financiers plus résilients et mieux répartis ? La capacité des banques africaines à structurer des projets locaux, à ancrer leurs services dans les réalités africaines et à garantir la transparence sera déterminante pour le succès de cette initiative.
Le signe d’une redéfinition des relations économiques Afrique‑Moyen‑Orient
Reste que le choix stratégique des banques africaines de s’établir dans des hubs comme Dubaï ou Riyad illustre une redéfinition des relations économiques Afrique‑Moyen‑Orient. L’Afrique ne se limite plus à regarder vers l’Ouest, mais choisit désormais le Sud-Est pour capter des capitaux, mieux servir sa diaspora et accompagner des projets d’infrastructure et de services.
Pour que cette ambition se concrétise, l’enjeu majeur pour l’Afrique est de transformer ces relais en véritables ponts de valeur : des financements tangibles, des projets africains structurés, une inclusion réelle de la diaspora et un ancrage régional solide. Il s’agit de franchir une nouvelle étape dans le développement financier du continent, tout en restant fidèle à ses besoins et à sa souveraineté économique.



