Assemblées annuelles FMI et Banque mondiale : l’Afrique au cœur des réformes d’une économie mondiale en mutation
Les assemblées annuelles des institutions de Bretton Woods se sont tenues à Washington dans un contexte d’incertitudes économiques mondiales. Si la dette, le financement du développement et la gouvernance ont dominé les discussions, ces rencontres ont aussi révélé un tournant : la nécessité de repenser le rôle de l’Afrique dans la croissance et la stabilité de l’économie mondiale.

Entre la guerre en Ukraine, le conflit à Gaza, l’aggravation du réchauffement climatique et la montée des extrêmes dans de nombreuses régions, l’économie mondiale avance sur une ligne de crête. Les disparités sociales s’accentuent, les dettes publiques atteignent des niveaux records et les tensions sociales se multiplient, alimentées par l’inflation et la lente reprise post-pandémie. C’est dans ce climat d’incertitude que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont réuni à Washington du 13 au 18 octobre 2025 dirigeants, ministres et experts pour tenter de redéfinir les priorités économiques et sociales d’un monde en quête d’équilibre.
Les tensions géopolitiques, les effets du changement climatique et la fragilité des chaînes d’approvisionnement continuent de peser de peser sur l’économie mondiale
Les grandes réunions économiques de l’année ont confirmé ce que beaucoup pressentaient : le monde avance à un rythme ralenti. Selon le dernier rapport du FMI, la croissance mondiale devrait atteindre 3,2 % en 2025, avant de retomber à 3,1 % en 2026. Les tensions géopolitiques, les effets du changement climatique et la fragilité des chaînes d’approvisionnement continuent de peser sur l’activité.
Un “résilience impressionnante” de l’Afrique

Dans ce contexte, l’Afrique a cherché à faire entendre sa voix, entre dynamisme démographique, potentiel de croissance et vulnérabilité financière. Le directeur du département Afrique du FMI, Abebe Aemro Selassie, a salué une « résilience impressionnante » du continent, avec une croissance régionale estimée à 4,1 % en 2025. Il a toutefois reconnu que « certains pays, notamment ceux touchés par les conflits ou dépendants des matières premières, continuent de connaître des difficultés à faire progresser le revenu par habitant ».
Les pays africains doivent pouvoir discuter et contester les méthodes utilisées pour évaluer leur risque

La question de la dette a, une fois encore, occupé une place centrale. Le FMI a averti que le coût de l’emprunt intérieur restait « élevé » dans de nombreux pays africains, poussant les gouvernements à recourir aux banques locales plutôt qu’aux marchés internationaux — un choix qui fragilise les économies et réduit la capacité d’investissement privé. Le gouverneur de la Banque centrale d’Afrique du Sud, Lesetja Kganyago, a appelé à une meilleure transparence des agences de notation, soulignant que « les pays africains doivent pouvoir discuter et contester les méthodes utilisées pour évaluer leur risque ».
Nous vivons l’un des plus grands bouleversements démographiques de l’histoire : Avec les bons investissements, non pas fondés sur le besoin mais sur l’opportunité, l’Afrique peut devenir un moteur puissant de la croissance mondiale
Du côté de la Banque mondiale, son président, Ajay Banga, a insisté sur le potentiel du continent africain pour porter la croissance mondiale. Selon lui, « nous vivons l’un des plus grands bouleversements démographiques de l’histoire », rappelant que d’ici 2050, un être humain sur quatre vivra en Afrique. Il a ajouté : « Avec les bons investissements, non pas fondés sur le besoin mais sur l’opportunité, l’Afrique peut devenir un moteur puissant de la croissance mondiale. »
Mais au-delà des discours, les avancées concrètes sur la réforme de la gouvernance mondiale se font attendre. Le G24, qui regroupe les pays en développement, a déploré le manque de progrès sur la redistribution des droits de vote au sein du FMI et de la Banque mondiale, et a réclamé un meilleur accès aux financements concessionnels ainsi qu’une transparence accrue sur la dette publique.
L’urgence d’obtenir des mécanismes de financement plus équitables
Les conclusions de ces assemblées laissent un goût mitigé. Pour le monde, elles confirment la nécessité d’adapter les institutions financières à une économie désormais multipolaire, où les équilibres Nord-Sud sont appelés à évoluer. Pour l’Afrique, elles rappellent l’urgence d’obtenir des mécanismes de financement plus équitables, afin de transformer son potentiel économique en développement durable.
La modernisation du système financier international, les investissements verts et la réforme de la dette figurent parmi les priorités de l’agenda post-Washington. Reste à savoir si les promesses faites se traduiront en actes concrets. Comme l’a résumé Abebe Aemro Selassie, « l’Afrique ne demande pas la charité, mais des partenariats justes ».



