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Algérie : Nabil Djedjik, champion du hallal

Quand il lance son premier point de vente en avril 2004, Nabil Djedjik ne sait pas encore qu’il s’engage à la tête d’un groupe qui pèse aujourd’hui plusieurs millions d’euros.

Par Zahra Rahmouni, Alger

Pour le jeune entrepreneur, tout commence lorsqu’on son beau-père raccroche son tablier de boucher et lui cède gracieusement son local. « J’ai compris qu’en France, c’était très compliqué de concilier la religion et la vie professionnelle donc j’ai créé mon propre boulot », raconte-t-il. De confession musulmane et pratiquant, il flaire le bon filon et se lance tout de suite sur le marché du Halal. A l’époque la demande est importante mais l’offre n’est pas structurée.

Le premier fast-food H-express voit le jour il y a quatorze ans en région parisienne. « On sortait de l’école et on a compris ce qui se passait. Des associations sérieuses comme AVS et Achahada (qui veillent aux contrôles et à la traçabilité des produits halal, ndlr) ont émergé et ont imposé des standards plus rigoureux et contraignants. Au début, les acteurs du halal et les industriels français ont refusé et ça a été une aubaine pour nous », explique-t-il. Pour ces premiers restaurants, il impose des règles strictes à ses fournisseurs afin qu’ils respectent l’abattage rituel musulman.

Mais face aux succès de ses enseignes, il doit gérer une nouvelle contrainte liée à l’approvisionnement en produit halal. « Nous nous sommes organisés, on a fait du sourcing et créé des entreprises. Maintenant le marché des grossistes en régions parisienne et lyonnaise appartient à 80% à des personnes de confession musulmane. On a eu des chiffres d’affaires avec des croissances exceptionnelles », relate-t-il.

Auto-financement et société de distribution

En seulement quatre ans, son groupe passe de trois à quatorze millions d’euros de chiffre d’affaires. Une croissance folle et sans financement de la part des banques.

Pour éviter de souscrire des prêts et de payer des intérêts, il choisit d’investir sur fonds propres. Lorsqu’il débute son aventure entrepreneuriale, il se fait prêter un peu d’argent par ses parents puis, il n’hésite pas à céder ses points de ventes quand il faut renflouer la trésorerie. Et puisque ses clients demandent toujours « plus de qualité et de standing », il utilise ses bénéfices pour ouvrir des restaurants de cuisine traditionnelle qu’il nomme Alambra.

Face au problème d’approvisionnements, il lance en 2008 sa propre société de distribution de produits halal qui compte aujourd’hui un portefeuille de quatre marques dont des produits bio. « J’ai créé Bibars pour pouvoir m’approvisionner et ça a marché encore mieux. On continue à se développer et notre groupe pèse entre 18 et 19 millions de chiffre d’affaires » se félicite le responsable.

Le chef d’entreprise de 41 ans se tourne désormais vers l’international. En mars, sa société de distribution déménagera vers un nouvel entrepôt de logistique situé sur la plateforme aéroportuaire de Roissy et dans lequel il a investi près de trois millions d’euros. « Nous serons proches du fret aérien et nous allons essayer de capter les marchés du Moyen-Orient où l’on a eu pas mal de demande à laquelle on ne pouvait pas répondre ».

L’Algérie, « un marché quasiment vierge  »

En 2017, Nabil Djedjik et ses associés se sont aussi lancés sur le difficile marché algérien avec l’ouverture d’un restaurant traditionnel Alambra et un fast-food H-express dans la capitale.

« Vous pouvez avoir n’importe quel document quand sur votre pièce d’identité algérienne vous avez une adresse française alors vous êtes un Algérien de seconde zone », affirme pourtant ce dernier. Malgré les promesses des autorités algériennes concernant les facilités d’investissement accordées aux binationaux, les blocages administratifs sont toujours d’actualité, déplore l’entrepreneur. « On vous dit que vous n’avez pas le droit de créer une société, ce qui est faux si on suit la réglementation ». Heureusement, un des associés s’installe dans le pays. « Ça a été une condition sine qua non pour créer quelque chose en Algérie » poursuit Nabil Djedjik.

Malgré les difficultés, le pays représente une terre d’opportunités pour cette nouvelle génération d’entrepreneurs. « On se focalise sur l’Algérie car c’est un challenge affectif. On aimerait avoir un pied à terre, développer quelque chose dans notre pays et démontrer notre savoir-faire », explique-t-il. Puis Nabil Djelik poursuit : «le Maroc et la Tunisie, ce n’est pas à l’ordre du jour même si on sait que ce serait beaucoup plus simple. On a eu des opportunités au Maroc mais on ne les a pas saisi. On privilégie l’Algérie pour le côté affectif et pour le potentiel car c’est un marché quasiment vierge ».

Désormais, son but est de développer un groupement de restaurants mais avant cela, il se donne un an pour tester le marché. « Dans un restaurant, les matières premières sont primordiales. Si vous avez la technicité mais que vous n’avez pas les matières premières ce sera compliqué », dit-il en référence aux dernières restrictions sur les importations de plusieurs produits alimentaires mises en place par les autorités algériennes.


Par Zahra Rahmouni, Alger
Nabil Djdjik, chef d’entreprise crédit photo DR

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