Algérie : 2019, année des exportations hors-hydrocarbures ?
Alors que les prix du baril de Brent sont instables et connaissent une nouvelle baisse importante, passant sous le seuil symbolique des 50 dollars, l’Algérie veut miser sur l’exportation de la production nationale afin d’augmenter les revenus en devises. Le gouvernement algérien multiplie les déclarations ambitieuses à ce sujet mais des contraintes existent encore…
Par Zahra Rahmouni, à Alger
« Le produit algérien peut concurrencer les produits des autres pays en matière de qualité et de prix », déclarait récemment Saïd Djellab, ministre du Commerce, dans un entretien à la radio nationale. En 2019, son département veut promouvoir les exportations en les plaçant au centre des débats économiques. Une feuille de route qui englobera les aspects nécessaires au développement des exportations sera promulguée en janvier 2019. Il s’agit notamment d’impliquer les opérateurs économiques algériens et d’améliorer le rôle des organismes d’accompagnement tels que l’Agence nationale de promotion du commerce extérieur et la Société Algérienne des foires et exportations (Safex).
Selon le ministre du Commerce, le montant total des exportations hors-hydrocarbures devrait s’établir à 2,8 milliards de dollars pour l’année 2018. « Nous avons eu une augmentation de plus de 50% des exportations des produits hors-hydrocarbures (…) En dehors des produits du secteur de la pétrochimie, le plus gros des exportations concerne les produits industriels puis les produits agroalimentaires », précise Saïd Djellab. La logistique, le transport et le rapatriement des devises, figurent parmi les principaux défis à l’export pour les opérateurs économiques.
Il faudra assouplir un dispositif qui « est lourd et handicape l’acte d’exportation », concède le ministre qui rappelle par ailleurs qu’un soutien de 50% existe déjà pour les transports maritime, terrestre ou aérien à travers le Fonds des exportations.
Internationalisation des banques algériennes
« Si on parle d’amélioration en matière d’export, il faudrait peut être une meilleure écoute de nos banques », suggère Mustafa Bordji, directeur commercial adjoint du groupe Cobra Electronics. « Les banques doivent approfondir le suivi avec leurs clients puisque lorsque l’on parle de livraison et d’exportation, le nerf de la guerre c’est l’argent. Or, on se trouve parfois confronté à des dossiers qui prennent du temps en matière de remboursement ou de rapatriement des devises », ajoute-il.
Pour accompagner ces opérateurs, l’Etat a annoncé l’installation en France de la Banque Extérieure d’Algérie (BEA), plus important établissement financier public du pays. « Avant cela, il y a déjà une mesure qui a été prise avec la création de tout un département pour accompagner les exportateurs », indique Djamila Aguentil, chargée de communication de la BEA. « L’expérience a commencé avec cinq entreprises dont le Groupe Industriel des Ciments d’Algérie, Venus, ou encore la Sonatrach qui sont parmi nos clients. Nous donnons des conseils sur la procédure d’exportation, sur la façon de faire les virements surtout pour les transferts d’argent et les rapatriement de devises », poursuit-elle.
Prévue initialement pour l’année 2018, la banque publique ouvrira finalement sa première succursale à Paris en 2019 et étudie actuellement une installation dans treize départements. « L’avantage, c’est que nous avons un agrément européen et pas seulement français donc on pourra ouvrir dans toute l’Europe. Par la suite, nous visons des ouvertures en Afrique », ajoute la responsable.
Priorité aux marchés africains
« Le marché du futur pour les trente prochaines années, c’est l’Afrique. Il ne s’agit pas seulement d’export mais de présence sur le marché africain », faisait savoir le ministre du Commerce. Des négociations ont débuté avec la Mauritanie pour la mise en place d’un accord préférentiel qui vise à diminuer les tarifs douaniers, a indiqué le même responsable.
Pour l’Algérie, la Mauritanie constitue aussi une porte d’entrée vers l’Afrique de l’ouest, qui représente un marché de 300 millions de consommateurs. Cet été les deux Etats ont inauguré leur premier poste frontalier terrestre afin de faciliter le transit de marchandises et au mois de décembre 2018, un premier convoi de 400 tonnes de produits agricoles, électroménagers et hygiéniques a fait route vers Nouakchott. Il sera suivi, dans les prochains jours, par deux autres opérations d’exportation dont l’une se dirigera vers Dakar, au Sénégal.
Politiques publiques d’accompagnement
Même si les difficultés persistent, les entrepreneurs rencontrés dans les allées de la Foire de la production nationale à Alger sont optimistes. Ils notent une réelle implication de l’Etat ces dernières années. L’événement qui s’est déroulé en décembre 2018, était d’ailleurs placé sous le thème des exportations.
« L’Etat nous encourage et nous ouvre toutes les portes », affirme Boudjemaa Kemiche, PDG du groupe Ifri. « Nous n’avons jamais eu de difficultés de 1994 à ce jour. Nous avons toujours été accompagnés par le ministre du Commerce et surtout par la Safex. On fait toutes les foires du monde pour lesquelles nous avons un rabattement de 80%. Et c’est durant ces foires que l’on peut attirer la clientèle », poursuit celui dont les produits se consomment aussi bien au Canada, en Chine ou en Afrique du Sud.
« On a toujours un a priori sur l’administratif mais pour ma part il a été effacé après le premier test à l’export que nous avons réussi grâce à la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (CACI) », se souvient Mustafa Bordji en évoquant une opération vers la Tunisie. « Si les équipes de la CACI ne nous avait pas aidé sur les différentes démarches, nous n’aurions pas pu livrer sous 48 heures. Si tous les documents sont prêts alors les dossiers sont pris en charge très rapidement », explique-t-il. L’entreprise a aussi bénéficié de programmes de formation à l’export pour ses équipes. « Nous avons été invités à des conférences avec différents ambassadeurs à Alger dont celui du Mali et du Sénégal. En 2019, nous allons tout faire pour participer aux foires qui sont proposées par la CACI et le ministère de l’Industrie et des Mines afin d’évaluer les opportunités et reprendre contact avec les ambassadeurs», prévoit Mustafa Bordji qui précise que l’entreprise compte bien faire de 2019, l’année des exportations.