Alan Dreanic : CFI accompagne les journalistes engagés en faveur de l’indépendance de l’information
CFI, l’agence française de développement des médias, dont la vocation est d’accompagner les acteurs du secteur des médias (TV, radios, presse écrite, médias en ligne), publics ou privés, afin de renforcer les processus de modernisation et de démocratisation que la France souhaite soutenir dans les pays en développement, a ajouté plusieurs nouvelles cordes à son arc pour s’adapter aux mutations en cours. Alan Dréanic, son Directeur général adjoint revient dans cet entretien sur les enjeux de l’heure et les actions menées par le groupe.
Propos recueillis par Dounia Ben Mohamed, à Paris
CFI organisait un événement particulier la semaine dernière à Paris. Quels en étaient les enjeux ?
En effet, l’agence organisait le forum médias développement. 300 journalistes et activistes de l’information de 45 pays se sont retrouvés à Paris pour un moment unique d’échanges, afin de partager leurs pratiques, leurs solutions, leurs difficultés et leurs innovations face aux problématiques contemporaines. Pour CFI, il s’agissait de favoriser le partage d’innovations entre les pays, passer des rencontres virtuelles aux rencontres réelles, constater l’impact des projets menés sur le terrain et approfondir les thématiques de l’aide au développement médias. C’est aussi un moyen de montrer aux financeurs de projets d’aide au développement le bien fondé de notre action et surtout son impact. Le dernier forum avait été organisé il y a 4 ans, juste avant le covid. Cette édition était vivifiante et très joyeuse. Nous avions besoin de nous retrouver.
L’occasion de nous rappeler la ou les missions de CFI… ?
CFI accompagne partout dans le monde les journalistes et membres de la société civile, engagés en faveur de l’indépendance de l’information. Son but est d’optimiser les compétences et les offres de contenus des médias pour proposer une information vérifiée, fiable et plurielle. L’agence a placé au cœur de son action 4 priorités : la lutte contre la désinformation, la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, la protection de l’environnement, la promotion de la démocratie et de l’engagement citoyen. Chaque année nous formons 6 000 professionnels des médias à travers une cinquantaine de projets.
CFI opère également en Afrique. Sous quelle forme, avec quels objectifs ?
CFI opère à travers des projets structurants qui visent à construire ou renforcer des secteurs médiatiques capables de jouer un rôle de contre-pouvoir démocratique et de contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable sur le continent africain. Ces projets recourent prioritairement à de l’expertise africaine car nous pensons que la meilleure façon de contribuer au développement de l’Afrique est de mobiliser l’intelligence collective africaine. C’est une démarche qui nous permet de travailler en profondeur avec les médias que nous considérons d’abord et avant tout comme des partenaires. Nous renforçons leur capacité à produire eux-mêmes des programmes, notamment en langues africaines, mais nous n’intervenons pas dans les contenus éditoriaux quand nous les appuyons dans la production de ces programmes. Ils conservent ainsi la maîtrise de leur propre développement.
Quelles sont les principales demandes/ doléances des médias/journalistes africains ?
L’Afrique n’est pas un continent uniforme. Il existe une très grande variété de situations et les besoins des médias varient selon le contexte de leur pays ou de leur statut. Les besoins d’un média opérant dans une zone de conflit armé ne sont pas les mêmes que ceux d’un média travaillant dans un pays à forte croissance économique. De même qu’un média communautaire n’a pas les mêmes besoins qu’un média public ou commercial de grande audience. Nous constatons, cependant, depuis quelques années, et dans la quasi-totalité de nos pays d’intervention, une forte demande en matière de lutte contre la désinformation et un intérêt croissant pour les enjeux liés au changement climatique.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples de projets menés sur le continent et leurs impacts ?
Les impacts d’un projet d’appui aux médias sur la société se mesure sur un temps très long, mais nous pouvons déjà constater l’impact de nos projets sur les médias eux-mêmes. Nous avons mis en œuvre en Afrique de l’Est un projet de journalisme environnemental intitulé « Dunia », qui signifie « la Terre » en swahili. La plupart des médias qui en ont bénéficié ont créé des rubriques qui permettent de sensibiliser leur public aux enjeux du changement climatique et de valoriser les initiatives d’adaptation portées par des autorités, des entreprises, des communautés ou de simples citoyens. Nous constatons aussi que les jeunes participent davantage aux émissions de débat public qui sont diffusées par les 48 radios que nous soutenons au Niger et au Burkina Faso dans le cadre de notre projet « MediaSahel ».
Parmi les thématiques évoquées pendant le forum, l’IA. Comment CFI accompagne les journalistes, en particulier africains, à aborder cette technologie ?
CFI met en œuvre plusieurs projets de lutte contre les manipulations de l’information sur le continent africain, notamment avec Africa Check, une des plus importantes organisations panafricaines de fact-checking. Ces projets ont permis d’identifier un groupe de médias capables de s’adapter à la sophistication croissante des fausses informations. Nous les accompagnons maintenant dans l’acquisition des techniques de l’enquête en sources ouvertes (OSINT) et nous les mettons en relation avec des homologues européens afin qu’ils mutualisent leurs efforts et qu’ils apportent des réponses communes à un phénomène qui pollue le débat public dans les mêmes proportions et avec les mêmes risques pour la cohésion sociale sur les deux continents. Cette collaboration opérationnelle euro-africaine doit aussi permettre aux uns et aux autres de relever plus efficacement les nouveaux défis posés par l’IA.
