Sa candidature est une originalité. Ajay Banga, 63 ans, Indien-Américain a les faveurs de Joe Biden pour diriger la Banque mondiale, après la démission, le 15 février 2023, de David Malpass. Le conseil d’administration doit entériner cette candidature pour que l’ancien PDG de Mastercard s’installe dès juin 2023 au 1818, H Street, Washington, DC. Il sera alors d’office président du conseil d’administration (PCA) de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), de la Banque mondiale et de l’Association internationale de développement (AID). De sa posture, il sera également PCA de la Société financière internationale (SFI), l’Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI) et du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI).
Le communiqué de la Maison Blanche, il est présenté comme « un homme dont l’expérience peut faciliter la mobilisation des ressources privées et publiques pour faire face aux défis les plus urgents, dont le réchauffement climatique ». Pour le président américain Joe Biden, « pour avoir passé plus de 30 ans à construire et diriger des entreprises mondiales, il peut diriger la Banque mondiale dans cette période critique de son histoire ».
« Ajay Banga a facilité l’accès à l’économie numérique à 500 millions de personnes sans compte bancaire », secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen
« Ses efforts ont permis à 500 millions de personnes n’ayant pas de compte en banque d’avoir accès à l’économie numérique, de diriger les investissements privés vers des solutions pour faire face au réchauffement climatique et d’augmenter les opportunités économiques dans le cadre du Partenariat pour l’Amérique centrale », indique la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen, dans un autre communiqué dans lequel elle « applaudit la décision du président Biden ».
Ajay Singh Banga est né le 10 novembre 1959 dans le canton de Khadki à Pune dans l’État de Bombay en Inde d’un père, officier de l’armée. Après des études à l’Hyderabad Public School, il obtient une licence en économie au St. Stephen’s College de l’université de Delhi, puis un MBA à l’Indian Institute for Management d’Ahmedabad.
Sa carrière commence en 1981 chez Nestlé, avant de rejoindre Pepsico puis Citigroup. Il a également été PDG de Mastercard, la société de services financiers. Au moment où il est sollicité par les Etats-Unis, il est vice-président du fonds de capital-investissement américain General Atlantic et de la Holding Exor, de la famille Agnelli.
« Ayant grandi en Inde, Ajay Banga a une perspective unique sur les opportunités et les défis auxquels sont confrontés les pays en développement. Et sur la manière dont la Banque mondiale peut réduire la pauvreté »
Ajay Banga est aussi président honoraire de la Chambre de commerce internationale et a siégé aux conseils d’administration de la Croix-Rouge américaine, de Kraft Foods et de Dow Inc. « Ajay a travaillé en étroite collaboration avec le vice-président Harris en tant que coprésident du Partenariat pour l’Amérique centrale », précise le communiqué du président des États-Unis. Qui ajoute qu’il est l’un des administrateurs fondateurs du Forum pour le partenariat stratégique entre les États-Unis et l’Inde, un ancien membre du Comité national sur les relations États-Unis-Chine et le président émérite de la Fondation américaine pour l’Inde.
« Ayant grandi en Inde, Ajay Banga a une perspective unique sur les opportunités et les défis auxquels sont confrontés les pays en développement et sur la manière dont la Banque mondiale peut réaliser son ambitieux programme de réduction de la pauvreté et d’expansion de la prospérité. »
Banque mondiale : Ajay Banga courtise la BAD
Le candidat du président américain pour succéder à David Malpass à la Banque mondiale entend associer la Banque africaine de développement (BAD) aux décisions de l’institution financière qu’il va diriger.
Ajay Banga, le candidat des États-Unis à la présidence de la Banque mondiale, veut faire du continent un acteur privilégié de l’institution financière qu’il s’apprête à diriger dès juin 2023. L’ancien président directeur général (PDG) de Mastercard entend associer l’Afrique, à travers la BAD, à la prise de décisions de la Banque mondiale.
« Il est nécessaire de renforcer les liens de la Banque mondiale et la BAD »
C’est le projet présenté au président de la BAD le 6 mars 2023 à Abidjan lors de la première étape de sa tournée mondiale. « Il y a nécessité de renforcer les liens décisionnels entre la BAD et la Banque mondiale », souligne le communiqué de presse de la BAD.
Pour Ajay Banga, « les inégalités sociales, la tension entre l’humanité et la nature, et la tendance à recourir aux solutions à court terme pour des problèmes à long terme, avec de « piètres résultats » » sont les enjeux majeurs de son futur mandat. Le tout « dans un contexte marqué par la pandémie de Covid-19, la dégradation de l’environnement et la crise ukrainienne ».
« Nous devons redéfinir notre partenariat en engageant tous les acteurs, publics et privés, à apporter des changements significatifs », Adesina Akinwumi, président de la BAD
L’appel d’Ajay Banda reçoit l’assentiment du président de la BAD. « Nos deux institutions devraient redéfinir leur partenariat. Pas seulement financier. Il s’agit d’optimiser les ressources en engageant tous les acteurs, publics ou privés, à apporter des changements significatifs », indique-t-il.
Sur les changements climatiques, Adesina Akinwumi déclare qu’« ils sont à l’origine des décès, de déplacements des personnes, des réfugiés et de l’augmentation de la pauvreté ». Face à Ajay Banda, il appelle à « une nouvelle façon de mesurer la richesse des nations » : « Le PIB ne tient pas toujours compte de la contribution d’un pays aux émissions de carbone et son impact sur la biodiversité. » D’où « le triangle des catastrophes : pauvreté croissante, chômage croissant des jeunes et dégradation de l’environnement. Un terreau fertile pour le terrorisme. » Adesina Akinwumi compte alors sur le futur dirigeant de la Banque mondiale pour plaider « la mise en place d’un conseil de sécurité mondial sur l’environnement et la biodiversité ».
« Le surendettement de l’Afrique devrait faire partie des préoccupations du futur président de la Banque mondiale »
Au-delà des déclarations d’intention, l’Afrique attend Ajay Banda sur son surendettement. En juillet 2022, l’ONG britannique Debt Justice a publié une étude qui révélait que « 39% des 696 milliards de dollars de dettes extérieures cumulées des pays africains étaient dus à des institutions multilatérales telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), la BAD ». Selon un récent rapport du FMI, « 60% des pays africains courent un risque élevé de surendettement et quatre d’entre eux (Zambie, Ethiopie, Tchad et Ghana) ont déjà demandé la restructuration de leur dette au titre du Cadre commun du G20 sur le traitement de la dette ».
La solution de l’initiative d’annulation de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE) d’il y a 20 ans semble ne plus tenir. Et pour cause, les temps et les créanciers ont changé. L’Union africaine peut être une alliée à travers son observatoire de surveillance de l’endettement de ses 55 États membres. Ensemble, ils peuvent les aider à améliorer la gouvernance de leurs finances publiques.
« Ajay Banda devait d’abord parler avec les présidents de la BAD et de la BAII. Il a commencé en Afrique. Je m’en réjouis », Hannah Ryder, CEO Development Reimagined
Ajay Banda, élu président de la Banque mondiale, pourrait-il être le « Messie » de l’Afrique ? Pour Chris Ferai, chercheur auprès d’Overseas Development Institute (ODI), « les décisions de la Banque mondiale reflètent plus le point de vue de Washington et des principaux actionnaires non-emprunteurs que celui des bénéficiaires ». Qui ajoute : « Ajay Banda devra prendre des décisions politiques et opérationnelles qui satisfont les intérêts des gouvernements actionnaires. »
Un pessimisme que ne partage pas Hannah Ryder, la CEO de Development Reimagined. Dans une récente tribune, elle conseillait Ajay Banda de « parler avec les présidents de la BAD et de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII) ». Ce qui a commencé à Abidjan. Elle s’en réjouit dans un tweet à la suite.