Agriculture : Kampala 2025, un plan stratégique pour l’Afrique résiliente
La feuille de route adoptée à l’issue du Sommet extraordinaire de l'Union africaine qui s'est tenu à Kampala du 9 au 11 janvier dernier, présente des solutions pratiques pour relever les défis qui entravent le développement agricole. Inscrite dans la continuité de la déclaration de Malabo et aux objectifs du programme détaillé pour le développement de l'agriculture en Afrique (PDDAA), elle met l'accent sur les priorités du secteur : la sécurité alimentaire, la durabilité et la résilience…Analyse.
Par Insaf Boughdiri
L’agriculture, essentielle à l’économie africaine, représente 30 à 50 % du PIB de la plupart des pays, et emploie près de 60 % de la population active. Pourtant, malgré son rôle central, elle fait face à des obstacles majeurs. Les infrastructures insuffisantes, l’accès limité au financement, la vulnérabilité accrue aux changements climatiques et une faible productivité entravent sa croissance. La déclaration de Kampala présente une série d’engagements visant à répondre aux défis croissants posés par une population africaine en pleine expansion et la demande alimentaire mondiale.
Des défis multiples
Les agriculteurs africains sont confrontés à de multiples défis liés aux infrastructures inadéquates, aux routes dégradées qui entraînent une augmentation des coûts et des pertes après la récolte, réduisant ainsi, la rentabilité des exploitations agricoles. De même, l’irrigation reste sous-exploitée, et la gestion inefficace de l’eau limite la productivité, particulièrement pendant les périodes de sécheresse.
Outre ces défis, les agriculteurs sont également confrontés à des difficultés liées aux méthodes agricoles traditionnelles et à l’accès limité aux équipements modernes. Ils n’ont pas toujours accès aux semences améliorées et aux financements, ce qui limite leur capacité à investir et à augmenter les rendements. A cela s’ajoutent une forte vulnérabilité face aux aléas climatiques, notamment les sécheresses, les inondations….
Nous disposons désormais d’une feuille de route claire
Des défis au cœur des échanges du Sommet extraordinaire de l’Union africaine (UA) qui s’est tenu à Kampala du 9 au 11 janvier, avec pour objectif principal d’élaborer une stratégie continentale visant à renforcer la sécurité alimentaire face aux nombreux défis qui se dressent sur la route de l’agriculture africaine.
Fruit de ces échanges, la Déclaration de Kampala propose des solutions concrètes à ces défis agricoles de l’Afrique, en mettant l’accent sur la production durable, l’autonomisation des femmes et des jeunes, ainsi que sur le renforcement du commerce intra-africain. Son objectif est de rendre les systèmes alimentaires du continent plus résilients face aux effets du changement climatique et à l’augmentation démographique, tout en ouvrant la voie à un avenir plus équitable et durable pour l’Afrique.
L’ambassadrice Josefa Sacko, commissaire de l’Union africaine chargée de l’agriculture et du développement rural, a insisté lors du sommet sur la singularité de cette déclaration, qui se distingue des précédentes par la clarté de sa stratégie et de son plan d’action. « Nous disposons désormais d’une feuille de route claire », a-t-elle souligné, précisant que cette déclaration marque un tournant avec des objectifs stratégiques réalisables et une vision à long terme pour le secteur agricole, en parfaite adéquation avec l’Agenda 2063.
Cette feuille de route repose sur six engagements clés visant à renforcer la sécurité alimentaire et à promouvoir l’agriculture durable en Afrique. Parmi les priorités majeures, on retrouve l’intensification de la production alimentaire durable, l’agro-industrialisation et la stimulation du commerce intra-africain. Les chefs d’État ont notamment convenu de réduire de 50 % les pertes après récolte et de tripler le commerce intra-africain de produits et d’intrants agroalimentaires d’ici 2035. Un autre objectif phare est d’atteindre 35 % d’aliments transformés localement dans le PIB agroalimentaire d’ici 2035, afin de renforcer l’autosuffisance du continent.
Cet engagement ambitieux s’inscrit dans un cadre plus large : celui de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), qui vise à stimuler le commerce intra-africain en éliminant les barrières commerciales et en favorisant l’intégration économique du continent. En alignant ses objectifs avec ceux de la Déclaration de Kampala, la ZLECAf devient un levier essentiel pour accélérer la transformation de l’agriculture africaine. Elle pourrait ainsi jouer un rôle déterminant pour améliorer l’accès aux marchés, augmenter la productivité agricole et encourager l’innovation dans le secteur, tout en contribuant à la construction d’une économie plus solidaire et résiliente.
Mobilisation de 100 milliards de dollars USD d’investissements
L’implication conjointe du secteur public, du secteur privé, des organisations paysannes et des communautés locales est essentielle pour garantir la réussite du plan d’action de la déclaration de Kampala. À cet égard, les chefs d’État se sont engagés à allouer au moins 10 % de leurs budgets publics annuels au secteur agricole, conformément aux objectifs définis dans les déclarations de Maputo (2003) et de Malabo (2014). En outre, les engagements incluent la mobilisation de 100 milliards de dollars américains d’investissements, provenant de sources publiques et privées. Ces fonds serviront à soutenir des initiatives stratégiques visant à transformer les systèmes agroalimentaires du continent et à stimuler leur compétitivité.
La déclaration met également en lumière l’importance d’investir dans les infrastructures de production, de transformation et de distribution. Ces investissements sont indispensables pour renforcer la transformation agricole et établir une chaîne d’approvisionnement efficace et durable, capable de répondre aux besoins croissants de la population africaine.
Par ailleurs, des politiques et programmes ciblés visent à soutenir les petits agriculteurs et les producteurs familiaux, considérés comme des acteurs clés pour assurer une croissance agricole inclusive et équitable. Enfin, un accent particulier est mis sur l’investissement dans l’innovation et la technologie.
En misant sur l’innovation, la collaboration régionale et l’autonomisation des jeunes et des femmes, la déclaration de Kampala ouvre la voie à une agriculture africaine plus inclusive, durable et prospère.