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AGM Women Network : quand le capital féminin redessine l’investissement agricole en Afrique

Réuni le 11 décembre à Paris, l’AGM Women Summit 2025 a rassemblé entrepreneures, investisseurs et experts internationaux autour d’un enjeu clé : faire de l’investissement agricole porté par les femmes un levier stratégique de transformation économique pour l’Afrique.

Par Dounia Ben Mohamed, à Paris

Le 11 décembre, au cœur de Paris, l’AGM Women Network a réuni entrepreneures innovantes, décideurs, experts financiers et investisseurs venus d’Afrique, d’Europe, d’Asie et du Moyen-Orient pour une demi-journée dédiée aux opportunités d’investissement dans l’agriculture et l’agroalimentaire africains. Une rencontre placée sous un message fort : l’avenir de l’agriculture africaine se construira avec les femmes, ou ne se construira pas.

L’autonomisation économique des femmes n’est pas seulement une question de justice sociale : elle représente une opportunité stratégique ..

Organisée à l’Hôtel Intercontinental Paris, cette première édition internationale, intitulée « Capital humain féminin et investissement agricole en Afrique : enjeu structurel et opportunité en or », s’est imposée comme un rendez-vous stratégique pour celles et ceux qui souhaitent diversifier leur patrimoine, identifier des projets agro-industriels à fort potentiel, miser sur l’innovation (AgriTech, IA, transformation locale) et investir aux côtés de femmes, véritables créatrices de valeur sur le continent.

Changer de regard pour passer à l’action

Fondatrice de l’AGM Women Network, Charlotte Libog a donné le ton : « L’autonomisation économique des femmes n’est pas seulement une question de justice sociale : elle représente une opportunité stratégique pour renforcer la souveraineté alimentaire de l’Afrique et assurer une croissance agricole durable. »

L’événement a assumé une posture résolument opérationnelle, loin des discours incantatoires. L’objectif : transformer un constat largement documenté en opportunités concrètes d’investissement. Car les chiffres sont sans appel. L’Afrique concentre près de 65 % des terres arables inexploitées dans le monde, tandis que les femmes représentent environ 70 % de la main-d’œuvre agricole, mais n’ont accès qu’à 15 % des terres et moins de 7 % des financements formels.

Le nœud du problème : résoudre l’équation des 3F, Financement, Formation, Foncier

Au cœur des débats : l’équation des 3F – Financement, Formation, Foncier. La table ronde dédiée à l’accès au financement a mis en lumière un paradoxe majeur : En Afrique, moins de 10 % des financements bancaires vont à l’agriculture, alors que le secteur représente entre 40 et 60 % des emplois. Les femmes, pourtant au cœur de la chaîne de valeur, captent moins de 7 % des financements. Ce déséquilibre est aussi un gisement d’opportunités.

Regroupez-vous! Les investisseurs ne s’intéressent pas aux petits projets

Autour de la table, Pierre Cadet (Président de la FADIA), Maxime Dossa (CEO de DM Consulting), Seyimi Ahouandogbo (expert en financement et levée de fonds) et Safaa Alhamaydeh (spécialiste des financements au Moyen-Orient) ont partagé des solutions concrètes : structuration des projets, mécanismes de garanties, accompagnement à la bancabilité, partenariats avec des fonds du Golfe et logique de regroupement des projets pour atteindre une taille attractive pour les investisseurs.

Un message est revenu avec force : « Les investisseurs financent des projets solides, pas des intentions. »  « Regroupez-vous! Les investisseurs ne s’intéressent pas aux petits projets », a exhorté Pierre Cadet.

Des filières, des femmes, des territoires

Wassilati Mbae, experte internationale de la filière Ylang-ylang, a illustré l’importance stratégique des filières agricoles. Venue des Comores, elle a rappelé que l’Ylang-ylang représente à lui seul 20 % des exportations de son pays, tout en soulignant l’urgence de développer la transformation locale. « Nous devons créer notre propre business model africain. Les outils importés ne sont pas toujours adaptés à nos réalités. »

Le savoir-faire doit se transformer en pouvoir-faire, puis en faire-savoir

Même constat du côté des acteurs de l’agro-transformation et de la formation. Nathalie Brigaud Ngoum, cheffe, consultante et ingénieure marketing, distinguée lors de l’événement, a résumé l’enjeu en une formule : « Le savoir-faire doit se transformer en pouvoir-faire, puis en faire-savoir. »

L’entrepreneuriat agricole féminin, levier de résilience

Au-delà de la rentabilité, les échanges ont souligné le rôle clé des femmes dans la résilience climatique, la sécurité alimentaire et la stabilité sociale. En Afrique, les femmes réinvestissent jusqu’à 90 % de leurs revenus dans l’éducation, la santé et le développement local. Soutenir leurs projets agricoles, c’est donc agir simultanément sur la croissance, l’inclusion et la durabilité.

Les hommes n’étaient pas absents de la rencontre. Des témoignages d’acteurs masculins du secteur ont également confirmé que la mixité améliore la performance économique, avec des entreprises plus innovantes, plus résilientes et plus rentables.

Invité spécial, Vincent Dakuyo, qui a fait le déplacement depuis le Burkina Faso spécialement pour l’occasion,  a démontré, chiffres à l’appui, que l’investissement dans les femmes agro-entrepreneures est non seulement socialement juste, mais économiquement rentable. CABRE SA, une entreprise agro-industrielle engagée aux côtés des femmes productrices affiche près de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires, générés grâce à un modèle fondé sur le financement, l’équipement et l’accompagnement de milliers de femmes dans les filières du maïs et du sésame. Un retour d’expérience inspirant, qui confirme que le capital féminin est un puissant levier de performance, de création de valeur locale et de transformation agricole durable en Afrique.

Un catalyseur de partenariats durables

Plus qu’un sommet, l’AGM Women network a agi comme un accélérateur de connexions et de décisions. B2B, networking de haut niveau, projets présentés, perspectives de co-investissement : les bases de collaborations durables ont été posées.

Comme l’a résumé Charlotte Libog en conclusion : « Transformer le financement agricole féminin, c’est investir dans l’avenir de l’Afrique. »

Pour en savoir plus : agmwomennetwork.com

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