Afrique-Moyen Orient

Afrique–Middle East : l’axe stratégique qui redessine la géopolitique de l’intelligence artificielle

La première édition du forum « AI Everything MEA », prévue en février 2026, cristallise une dynamique profonde : la montée en puissance d’un partenariat Afrique–Middle East autour de l’IA, de l’économie de la donnée et de la transformation numérique.

L’IA n’est plus seulement un enjeu technologique : elle devient la matrice d’un nouvel ordre économique mondial. Et dans cette recomposition, un axe avance à grande vitesse, souvent moins commenté mais déterminant : celui qui unit l’Afrique et le Middle East. L’organisation du forum « AI Everything MEA » en 2026, porté par GITEX Global et soutenu par les autorités égyptiennes, symbolise cette convergence stratégique. Mais l’enjeu dépasse largement un simple événement : il marque l’émergence d’un espace économique interconnecté où investissements, savoir-faire et infrastructures se structurent autour de l’intelligence artificielle.

Depuis une décennie, les puissances du Golfe accélèrent massivement leurs paris sur l’IA

Depuis une décennie, les puissances du Golfe accélèrent massivement leurs paris sur l’IA. Les Émirats arabes unis ont été les premiers à adopter une stratégie nationale d’intelligence artificielle, suivis par l’Arabie saoudite dans le cadre de Vision 2030, puis par le Qatar, Bahreïn et Oman. Les budgets mobilisés sont colossaux, portés par les fonds souverains, les data centers hyperscale et une volonté affirmée de se positionner dans l’IA générative, les supercalculateurs ou encore l’automatisation industrielle. Dans ces pays, le taux d’adoption des services cloud, la création d’instituts de recherche dédiés et l’implantation des géants technologiques – américains, asiatiques et européens – ont atteint un rythme sans équivalent hors Asie.

 Une fenêtre d’opportunités pour l’Afrique

Cette montée en puissance ouvre une fenêtre d’opportunités pour l’Afrique, où la demande en technologies intelligentes explose : services financiers numériques, agriculture de précision, santé connectée, cybersécurité, gouvernance des données. Le continent connaît l’une des croissances démographiques les plus dynamiques du monde, avec une génération hautement scolarisée et ultra-connectée. Mais il souffre d’un déficit d’infrastructures et de financements technologiques. D’où l’intérêt croissant pour les partenariats Middle East–Afrique, qui associent capital, expertise et besoins réels d’innovation.

Ai Everything MEA sera le multiplicateur de force de la mission en matière d’IA

Le forum « AI Everything MEA » se positionne ainsi comme un espace d’échanges où se croisent investisseurs, États et acteurs privés du digital. Plus de 200 fonds de capital-risque, représentant près de 1 000 milliards d’euros d’actifs sous gestion, sont attendus pour évaluer les opportunités offertes par les startups africaines et régionales. Pour Trixie LohMirmand, vice-présidente exécutive du Dubai World Trade Centre, organisateur du GITEX, « Ai Everything MEA sera le multiplicateur de force de la mission en matière d’IA », un levier permettant selon elle de « régénérer le tissu social et le paysage économique, en redéfinissant la stature mondiale de la région ».

Cette vision illustre bien la logique à l’œuvre : construire une chaîne de valeur partagée entre deux espaces géographiques complémentaires. Le Moyen-Orient dispose du capital, des infrastructures et d’une volonté politique forte. L’Afrique possède le potentiel humain, l’appétit d’innovation et un marché en croissance rapide. Ensemble, ils peuvent se positionner comme une alternative aux blocs technologiques déjà établis.

les entreprises et institutions du Middle East investissent désormais dans les hubs numériques africains, du Caire à Nairobi, de Kigali à Lagos

Le sommet mettra en lumière une tendance lourde : les entreprises et institutions du Middle East investissent désormais dans les hubs numériques africains, du Caire à Nairobi, de Kigali à Lagos. Ces partenariats prennent la forme de laboratoires conjoints d’IA, de financements de startups, de programmes de formation et d’implantations industrielles dans les technologies de la donnée et du cloud. L’essor des plateformes fintech africaines, les projets de smart cities et l’adoption croissante de services gouvernementaux numériques s’inscrivent dans cette dynamique.

Création d’une académie régionale de technologie destinée aux jeunes diplômés

La création attendue d’une académie régionale de technologie destinée aux jeunes diplômés, annoncée en marge du forum, s’inscrit dans cette même logique. Avec un vivier de plus de 750 000 diplômés chaque année dans plusieurs pays africains, le besoin de formation spécialisée explose. Le Middle East, doté d’universités technologiques de pointe et de centres d’innovation financés par les fonds souverains, cherche déjà à accueillir ou soutenir ces talents. Cette circulation des compétences, structurée à l’échelle interrégionale, pourrait devenir l’un des leviers majeurs de la compétitivité africaine.

Sur le plan géopolitique, cet axe Afrique–Middle East constitue également une réponse à la fragmentation croissante des chaînes de valeur technologiques mondiales. Alors que les grandes puissances se livrent une bataille stratégique autour des semi-conducteurs, des modèles d’IA et de la souveraineté numérique, les pays émergents cherchent à renforcer leur autonomie. Les initiatives conjointes autour des infrastructures cloud souveraines, des normes d’éthique de l’IA et de la cybersécurité témoignent de cette volonté de créer un espace d’innovation plus équilibré.

Le corridor numérique Afrique–Middle East : un des nouveaux pôles d’influence technologique du XXIᵉ siècle ?

Avec la tenue d’« AI Everything MEA », cette coopération franchit une nouvelle étape : celle de la structuration d’un véritable corridor numérique Afrique–Middle East, capable de peser dans les débats internationaux sur l’IA, ses usages et ses règles. Dans un monde où l’intelligence artificielle redéfinit les économies, les administrations et les relations internationales, cet axe pourrait devenir l’un des nouveaux pôles d’influence technologique du XXIᵉ siècle…

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