À la conquête du ciel africain : Precision Air veut être la fierté aérienne de la Tanzanie
À travers sa compagnie nationale Precision Air, le pays de Zanzibar et du Kilimandjaro affirme son ambition de devenir un acteur majeur du ciel africain, misant sur le tourisme, l’intégration régionale et l’innovation industrielle.

Par YG
Fondée en 1993, Precision Air est aujourd’hui le deuxième transporteur national. « Nous existons avec une flotte de huit appareils, tous de fabrication française », précise Lilian Massawe, Head of Commercial and Ground handling. « Nous faisons partie d’un groupe de compagnies, dont Precision Air est une composante essentielle. » Avec une couverture de 15 destinations à travers la Tanzanie, la compagnie s’est donnée pour mission de connecter les régions du pays, mais également d’assurer des liaisons internationales vers le Kenya et les Comores. « Aux Comores, nous sommes même désignés pour assurer les vols domestiques dans le pays. Nos fréquences minimales sont de trois vols par semaine selon la destination, et dans certains cas, nous avons des départs toutes les deux heures », souligne Lilian Massawe.
Le tourisme reste le moteur de l’activité aérienne en Tanzanie. Zanzibar et le Kilimandjaro en sont les symboles. « Notre cœur de métier, ce sont les destinations touristiques. Plus de 60 % de nos opérations touchent Zanzibar. Les gens viennent aussi pour découvrir la vie sauvage. Après les États-Unis, la France est notre deuxième marché touristique », affirme Lilian Massawe. La question des visas ne constitue pas un obstacle : « Nous avons des accords bilatéraux avec certains pays. S’ils nous accordent un visa, nous faisons de même. Pour les touristes, le visa est délivré à l’arrivée. Ce n’est pas un challenge pour nous, nous les donnons facilement ».
Une stratégie basée sur les alliances et la complémentarité
Precision Air joue également la carte des alliances pour étendre son rayonnement. « Nous croyons vraiment aux alliances. Nous avons des partenariats avec 28 grandes compagnies comme KLM, Qatar Airways ou Turkish Airlines. Ils peuvent revendre un billet pour la France en nous intégrant dans le trajet, c’est compris », explique Lilian Massawe. « Nous sommes sur un marché de niche », poursuit-elle. « Nos avions ne sont pas si petits que ça : ils comptent entre 48 et 72 sièges. Ce sont des avions adaptés à nos besoins régionaux. » Patrick Mwanri, Group Managing Director et CEO, complète : « nous avons besoin de petits avions pour assurer nos liaisons internes. Nous distinguons bien les vols touristiques des vols business. Par exemple, lorsque le Parlement est en session, nous augmentons la fréquence des vols. C’est une question de demande. » Sur le volet sécuritaire, le dirigeant se veut rassurant : « des accidents peuvent arriver, mais cela reste rare. Nous respectons les standards de l’IATA. Chaque compagnie a une assurance pour faire face. Le véritable défi, c’est le manque d’infrastructures. Nous poussons notre gouvernement à investir. Nous travaillons aussi avec Afra et SADC dans le cadre du projet de ciel africain unique. Il faut maintenant que les décisions prises soient mises en œuvre. »
Une industrie aéronautique qui prend son envol
Preuve du dynamisme tanzanien, l’industrie aéronautique locale vient de franchir une étape historique. Trois Skyleaders flambant neufs, produits à Morogoro (où une usine a été implantée en 2021), sont désormais prêts à voler, en attente de l’autorisation de l’aviation civile. Ce modèle, fruit d’une coopération entre constructeurs tanzaniens et tchèques, se destine aux voyages d’affaires ou à l’usage de type avion-taxi pour touristes. Une version agricole à deux places est aussi envisagée. Son prix ? « Pas plus cher qu’une voiture haut de gamme », promettent ses concepteurs. C’est une grande première pour le continent, car il s’agit du premier avion civil africain. Jusqu’à présent, seule l’Afrique du Sud avait conçu un appareil militaire de reconnaissance il y a une dizaine d’années.
Vers un ciel africain intégré ?
Patrick Mwanri résume l’un des défis majeurs du transport aérien africain : « l’IATA ne parle pas beaucoup de l’Afrique, car notre marché reste petit. L’Inde, par exemple, est un pays, l’Afrique est un continent avec de nombreux États. On ne peut pas penser un ciel africain unique sans prendre en compte cette complexité. Peut-être devrions-nous d’abord nous concentrer sur quelques pays stratégiques. » Precision Air, entre ancrage local et ouverture internationale, entend bien continuer à tracer sa trajectoire. Avec la Tanzanie en ligne de mire comme hub régional, elle contribue, à sa manière, à redessiner la carte aérienne du continent africain.