Perspectives économiques en Afrique 2025 : transformer les ressources en croissance
Malgré les incertitudes mondiales et les défis économiques persistants, l’Afrique est en bonne voie pour enregistrer une croissance plus forte en 2025 et au-delà. Le rapport Perspectives économiques en Afrique 2025, dévoilé lors des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement à Abidjan, trace une voie claire : en mobilisant ses ressources internes encore sous-exploitées — capital naturel, financier, humain et entrepreneurial — le continent peut accélérer son développement et réduire sa dépendance à l’aide extérieure.

L’économie africaine fait preuve d’une résilience remarquable. Selon les Perspectives économiques en Afrique 2025, le continent devrait enregistrer une croissance de 3,3 % en 2024, qui passerait à 3,9 % en 2025, puis à 4 % en 2026 — surpassant les moyennes mondiales malgré les tensions géopolitiques et le durcissement des conditions financières mondiales.
Présenté lors des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement à Abidjan, en Côte d’Ivoire, le rapport intitulé « Mettre le capital africain au service du développement de l’Afrique » met en lumière le potentiel durable du continent. Il plaide pour des réformes stratégiques afin de valoriser pleinement les vastes ressources internes de l’Afrique.
L’Afrique doit aujourd’hui relever le défi et regarder en elle-même pour mobiliser les ressources nécessaires à son propre développement dans les années à venir
a déclaré le professeur Kevin Chika Urama
Des disparités régionales marquées
L’Afrique de l’Est mène la dynamique continentale avec une croissance projetée de 5,9 % en 2025-2026, portée par les performances solides de l’Éthiopie, du Rwanda et de la Tanzanie. L’Afrique de l’Ouest devrait enregistrer une croissance de 4,3 %, soutenue notamment par le développement des projets pétroliers et gaziers au Sénégal et au Niger. L’Afrique du Nord atteindrait 3,6 %, tandis que l’Afrique centrale ralentirait à 3,2 %. L’Afrique australe, pénalisée par la faible croissance sud-africaine (0,8 %), ne devrait progresser que de 2,2 %.
Mais ces progrès ne doivent pas masquer des défis de taille. Quinze pays africains subissent actuellement une inflation à deux chiffres. Par ailleurs, le poids des intérêts sur la dette publique a bondi, représentant désormais 27,5 % des recettes fiscales — contre 19 % en 2019 — accentuant la pression sur les finances publiques.
Une opportunité de 1 430 milliards de dollars
Le rapport met en lumière le formidable potentiel de mobilisation des ressources internes en Afrique. S’appuyant sur des réformes ciblées, le continent pourrait générer jusqu’à 1 430 milliards de dollars supplémentaires, provenant aussi bien de sources fiscales que non fiscales.
Parmi les principaux leviers identifiés, le capital naturel occupe une place centrale : l’Afrique détient environ 30 % des réserves mondiales de minerais et pourrait, d’ici 2030, capter plus de 10 % des 16 000 milliards de dollars de revenus estimés issus des minerais stratégiques dits « verts ». Le capital humain constitue également un atout majeur, avec une population dont l’âge médian est de seulement 19 ans ; une meilleure inclusion des jeunes générations dans l’économie pourrait permettre d’ajouter 47 milliards de dollars au PIB continental.
Le capital financier n’est pas en reste. Les fonds de pension africains dépassent désormais les 1 100 milliards de dollars d’actifs, tandis que les transferts de fonds officiels pourraient atteindre les 500 milliards de dollars à l’horizon 2035, à condition de réduire les coûts de transfert. Enfin, le capital entrepreneurial, dynamisé par la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), pourrait générer jusqu’à 560 milliards de dollars d’exportations supplémentaires et accroître les revenus africains de 450 milliards de dollars d’ici cette même échéance.
Autant de richesses que le continent peut valoriser pour se développer sur des bases plus autonomes, inclusives et durables.
Combler les fuites
Alors que l’Afrique a reçu 190,7 milliards de dollars d’entrées financières en 2022, elle a perdu environ 587 milliards de dollars à travers différentes fuites : 90 milliards en flux financiers illicites, 275 milliards via les transferts de bénéfices des multinationales, et 148 milliards dus à la corruption.
Lorsque l’Afrique utilise efficacement son propre capital — humain, naturel, fiscal, entrepreneurial et financier — les capitaux mondiaux suivront, pour accélérer les investissements
a insisté le vice-président Urama
Feuille de route politique
Le rapport plaide en faveur de réformes ambitieuses visant à transformer en profondeur la mobilisation des ressources internes en Afrique. Il préconise notamment d’améliorer l’efficacité fiscale en modernisant les administrations par la digitalisation, en élargissant l’assiette fiscale et en renforçant la confiance entre l’État et les citoyens afin de favoriser la conformité volontaire.
La valorisation du capital naturel passe, quant à elle, par la généralisation de la comptabilité environnementale et l’adoption de politiques incitant à la transformation locale des ressources extraites.
En matière de développement financier, il est essentiel d’approfondir les marchés de capitaux, en particulier les marchés obligataires en monnaie locale, tout en mobilisant l’épargne institutionnelle et en harmonisant les cadres réglementaires pour faciliter les investissements transfrontaliers.
Enfin, la gouvernance reste un pilier incontournable : le rapport insiste sur le renforcement des institutions, le respect de l’état de droit et la promotion de la transparence budgétaire, considérés comme des fondements d’une croissance durable et inclusive.
Il n’existe pas de substitut à une gestion macroéconomique saine, à des institutions de qualité, à une bonne gouvernance et au respect de l’état de droit
a rappelé Urama
Une vision claire pour l’avenir
Le rapport Perspectives économiques en Afrique 2025 envoie un message fort : l’Afrique détient les clés de sa propre transformation. En optimisant ses ressources internes abondantes et en réduisant les fuites de capitaux, le continent peut viser une croissance durable et inclusive. Le défi, désormais, est de transformer cette vision en actions concrètes.
Consulter le rapport : https://www.afdb.org/en/knowledge/publications/african-economic-outlook