Investir en Afrique : la France doit miser sur la francophonie et ses entreprises
C’est dans un contexte de”désamour” africain vis-à -vis de la France que s’est tenu la 4ème édition du Forum Investir pour l’Afrique 2024. Pourtant l’avenir du monde, et de la France en particulier, se joue en Afrique, et les entreprises françaises ont un rôle à jouer. L’idée générale qui a conduit les échanges.

Par Dounia Ben Mohamed, à Paris
Le 23 avril, le Novotel Paris Tour Eiffel accueillait la 4ème édition du Forum Investir en Afrique, avec 1800 inscrits. Le RDV des entrepreneurs français, et africains, co-organisait par le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) et l’Opinion, devait être l’occasion de faire le point sur la nouvelle donne géopolitique et les perspectives économiques du continent, mais aussi sur les secteurs les plus porteurs – infrastructures, énergie, tourisme, agro-industrie – et sur les principales thématiques transverses – formation, recrutements, renforcement des exigences en matière de durabilité et de responsabilité sociétale – au travers divers tables rondes, interviews, témoignages et ateliers pays.
Le résultat est sans appel : entrepreneurs comme responsables publics et institutionnels l’assurent : plus que jamais l’heure est à l’investissement en Afrique. “J’aimerai partager deux convictions, indique Etienne Giros, président du CIAN, au début de cette journée d’échanges. La première, c’est que l’Afrique marche bien, tout le monde ne le pense pas mais je le pense. Sortez de cette journée avec cette certitude que l’Afrique est l’avenir de notre planète. Deuxièmement, les entreprises doivent continuer à investir, notamment les entreprises françaises, en Afrique.” Invitant au passage ses pairs à nouer des partenariats avec les entreprises africaines.
Le nombre de filiales françaises en Afrique a doublé, le stock des investissements directs a triplé entre 2010 et 2020
Car en dépit du contexte de”désamour” africain vis-à -vis de la France, la France “est belle est bien présente” en Afrique assurera Franck Riester, Ministre délégué, auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité, absent, intervenant par vidéo. “La France n’est pas chassé d’Afrique mais la géopolitique change tous les jours.” Et d’appuyer ses propos par des chiffres. “ Le nombre de filiales françaises en Afrique a doublé, le stock des investissements directs a triplé entre 2010 et 2020”.
Une dynamique à poursuivre en s’appuyant notamment sur la francophonie. Une idée pas nouvelle, mais qui n’a pas encore porté ses fruits. Or, le “péché originelle” de la francophonie expliquera Geoffroy Roux de Bézieux Président de l’Alliance des patronats francophones lors d’un panel dédié à la thématique, c’est que contrairement au Commonwealth qui à son origine visait des intérêts économiques, la francophonie a été créé par un poète, Senghor, sur une base culturelle.
La tendance de fond c’est que la démographie africaine va porter l’économie mondiale
Ceci étant dit, “il y a une forte demande de créer des liens, des liens d’affaires. Afin de prospérer ensemble comme le dit notre slogan.” D’autant souligne-t-il que “le nombre de locuteurs francophones va croître, grâce à la démographie africaine.” L’élément à prendre en compte, au-delà du contexte géopolitique. “ Oui il y a des difficultés mais la tendance de fond c’est que la démographie africaine va porter l’économie mondiale. Dans ce contexte, les entrepreneurs ont un rôle à jouer. Sans nier les tensions politiques, pour autant le commerce et les échanges économiques continuent à prospérer. “ Prenant pour exemple la longue période de froid entre la France et le Maroc sur le plan politique “ entre-temps les investissements ont continué. Pendant que les politiques se chamaillent, les entrepreneurs continuent à échanger. Alors, oui la géopolitique fait partie des éléments qu’un entrepreneur doit prendre en compte, ce qui n’est pas propre à la France en Afrique, mais pour autant il ne faut pas se décourager et considérer que la franco-économique est une autre manière de créer des liens.”
c’est hors de cette zone “francophone”, que la France prospère économiquement en Afrique
En attendant, c’est hors de cette zone “francophone”, que la France prospère économiquement en Afrique. Les échanges économiques entre la France et le Nigeria ont doublé en dix ans, faisant du Nigeria le premier partenaire commercial de la France en Afrique subsaharienne. Avec plus de 10 000 employés, principalement dans le secteur du pétrole et du gaz, les entreprises françaises investissent massivement. Cependant, malgré un stock d’investissement de 10 milliards de dollars et des accords bilatéraux, les exportations françaises restent modestes, atteignant seulement 550 millions d’euros sur les douze derniers mois. Les défis persistent, notamment la langue, l’insécurité et les réformes économiques en cours. Pourtant, le Nigeria demeure un marché stratégique pour la France, et des accords récents dans les secteurs de l’agriculture, de l’énergie et de l’innovation technologique témoignent de la volonté de renforcer les investissements bilatéraux.

Au Kenya également, en Ouganda de plus en plus, même au Rwanda où les relations bloquées, la France, à travers ses entreprises, renforcent sa présence. Dans des secteurs hautement stratégiques notamment où le made France est demandé. Dans la Tech, les ENR ou la distribution notamment. Une “réussite française “illustrée par le groupe United Mining Supply (UMS), une consortium de 30 000 personnes aujourd’hui 1er producteur et exportateur de Bauxite au monde, faisant passer la Guinée du 8 au 1er rang mondial. “ La Guinée va devenir un acteur majeur de la filière aluminium, on est content d’en être les pionniers. De manière inéluctable, la Guinée, plus largement l’Afrique va se développer. Et je crois que ce désamour entre la France et l’Afrique peut être levé par le business, observe Fadi Wazni,PDG du groupe. Mais il faut ceci dit s’interroger sur les motifs de ce désamour. on doit être lucide. Il faut écouter, comprendre et respecter, et les échanges seront fructueux. Les choses doivent être faites de manière équilibrée”.