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IA et éducation : les germes d’une révolution inéluctable

A la mode dans le monde du numérique, l’Intelligence artificielle gagne de la place dans tous les usages. Le secteur de l’éducation devrait, selon toute vraisemblance, être le plus impacté. En Afrique, même si les initiatives sont encore à l’état embryonnaire en Afrique, la prise de conscience collective devrait doper la révolution et installer définitivement l’IA au cœur de l’éducation.

Par la rédaction

S’il est vrai qu’en termes de percée du digital l’Afrique est devancée par les pays développés, force est de reconnaître qu’une réelle prise de conscience des enjeux de l’intelligence artificielle est en train de redistribuer les cartes. Dans beaucoup de pays d’Afrique, des initiatives salutaires sont en train de voir le jour, même si elles sont encore embryonnaires. Au Sénégal, l’une des plus grandes rencontres dédiées numériques a consacré ses discussions à la question. C’était la deuxième édition de la rentrée numérique, laquelle se tenait mi-septembre à Dakar. Pile poil pour la rentrée des classes.

Ibrahima Nour Eddine, spécialiste du numérique et administrateur général de Gaïndé 2000, plateforme dédiée à la dématérialisation des procédures douanières en Afrique, l’intelligence artificielle est en train de chambouler plusieurs habitudes. Une dynamique qui n’est pas prête de s’estomper. C’est pourquoi il estime que les pouvoirs publics comme privés doivent prendre les dispositions pour ne pas être largués. « Cette technologie qui prend forme va impacter nos organisations et nos économies. Il est important de prendre en compte les enjeux pour voir comment l’intégrer. Le plus grand risque, c’est que la mutation est très rapide et elle n’est pas localisée dans un seul endroit. Qu’on le prenne en compte ou pas, elle impactera forcément nos vies. Il faut mutualiser les moyens. Les initiatives existent chez nous, mais elles sont éparpillées », a-t-il indiqué.

L’éducation, révolution inévitable

Les spécialistes sont unanimes sur le sujet, s’il y a un secteur qui devrait bien profiter au maximum des avantages de l’IA, c’est bien l’éducation. Dans une tribune, Audrey Azoulay, Directrice générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) le rappelait. Mais pour elle, il y a un certain nombre de défis à relever, comme celui de l’énergie. « L’absence d’électricité empêche l’amélioration de la productivité, et affecte le niveau d’étude en ce sens que la faible électrification ne donne pas la possibilité aux jeunes d’utiliser leurs ordinateurs pour ceux qui en ont, de faire des recherches ou alors de développer des startups. Car, les ordinateurs et bien d’autres supports de l’IA ont bien besoin d’énergie pour fonctionner », a-t-elle souligné.

A ce défi, s’ajoute la question de l’accès à internet. Bryan Gilmour est consultant en numérique. Pour lui, le plus gros défi, c’est celui de l’accès à une connexion internet de qualité. « C’est le sommet du numérique. C’est la pointe de la technologie. Il faut un cadre pour l’IA », précise-t-il.

Mettre les bouchées doubles

Les premières démonstrations de ChatGPT par exemple ont donné quelques aperçus de ce que peut apporter l’IA à l’éducation. Mais pour y arriver, il semble plus que nécessaire de mettre en place un certain nombre de dispositifs et oser franchir le pas. C’est la conviction du président de l’Organisation des professionnels des Tic au Sénégal (Optic). Pour Antoine Ngom,même si au niveau des établissements scolaires les enseignements informatiques sont de plus en plus importants, ils restent encore théoriques. Ce qui rend, selon lui, la familiarisation avec l’IA difficile. Pour ce faire, il importe que les autorités mettent le cadre adéquat dans les écoles, tout en renforçant les capacités des enseignants. « Le vrai danger c’est de dire qu’on ne peut pas faire comme les autres pays. Bien organisée avec tous les ingrédients, l’IA peut être cet outil qui permettrait aux pays en développement de réduire leur retard sur ce qui se fait de mieux à l’international », dit-il. Dia Ndiaye, étudiant sénégalais en Informatique en France estime que même si des initiatives sont balbutiantes, en Afrique, il n’y a pas cette connexion entre le monde des entreprises, les centres de recherche et les écoles de formation. Or, dit-il, pour qu’une formation ait un sens, il faut qu’elle obéisse aux besoins des entreprises. « Il faut aller vers l’interconnexion entre le marché du travail et les écoles de formation », plaide-t-il.

Pour relever tous ces défis, Dia Ndiaye estime que les pouvoirs publics doivent mettre le cadre. « La plus grosse erreur c’est de négliger la formation à la base. Ne pas attendre l’université pour initier les jeunes aux métiers du numérique. Il faudrait commencer plus tôt au lycée, intégrer quelques cours sur les langages de programmation ou quelques notions de base dans le cursus scolaire des jeunes. Ensuite, une fois à l’université, il s’agira de renforcer ces prérequis orientés vers le numérique, vers l’intelligence artificielle. Il faut donc donner aux jeunes les compétences nécessaires et adopter les dispositions idoines pour ce faire », préconise-t-il.

Moustapha Diakhaté, ancien conseiller à la Primature du Sénégal, estime que csi les systèmes d’éducation africains ratent ce virage technologique, « nous ne serons plus utiles à notre humanité productiviste et utilitariste. Nous jouons vraisemblablement notre dernière carte. Tout s’accélère et nos systèmes rigides sont obsolètes, certains acteurs ne comprennent même plus les enjeux de demain. Nous devons impérativement accélérer la mise en œuvre de pratiques d’enseignement et d’apprentissage innovantes qui favorisent un bouquet minimal de matières ». 

Des initiatives privées…en attendant les Etats

Dakar Institute of Technology avec sa filière en intelligence artificielle, Accelerator Labs du PNUD qui identifie des projets innovants des jeunes de moins de 28 ans afin de les aider à monter en compétences dans les métiers de l’intelligence DM-IAartificielle…jusqu’ici, les initiatives concrètes sur la promotion sont des initiatives privées, les programmes publics étant toujours balbutiants. Les pouvoirs publics semblent plus préoccupés par les questions d’éthique. Lors d’une rencontre qu’il a présidée à Dakar, autour du thème : « Opportunités et défis de l’Intelligence artificielle dans le système éducatif sénégalais », le Président du Sénégal Macky Sall appellait certes « à saisir les opportunités de l’intelligence artificielle sans se perdre dans le nivellement par le bas de notre société et de notre système éducatif… », tout en pointant « les dérives de l’intelligence artificielle, devenue, selon lui, par son usage dévoyé, une fabrique de fake news qui répandent à grand débit la tromperie, la manipulation, la haine, le radicalisme et la violence ». Ce qui montre, à ses yeux, « l’ampleur de la complexité de la tâche qui nous attend si nous voulons saisir les opportunités de l’intelligence artificielle et prendre en charge les défis qu’elle pose dont le premier est d’éviter le nivellement par le bas de notre société et notre système éducatif ».

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