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Interview Never Ncube : “Le Zimbabwe se transforme, et cette transformation passe par le numérique”

Après deux années consécutives de récession précipitée par les chocs associés au passage du cyclone Idai, à la sécheresse, puis, à la pandémie de la COVID-19, le Zimbabwe, entré dans une nouvelle ère “post Mugabe”, renoue avec la croissance (2,8% en 2023). Pour accélérer le rythme, le pays mise sur les nouvelles technologies et son secteur privé. Ambitions, atouts et défis avec Never Ncube, à la tête de Dandemutande, un des principaux fournisseurs d’internet du pays, par ailleurs président de l’Association des fournisseurs d’accès à l’internet du Zimbabwe.

Propos recueillis par Dounia Ben Mohamed, à Victorial Falls

Vous dirigez une des principales sociétés de telecoms du Zimbabwe. Comment évolue le secteur des TICs dans votre pays et quelle place occupe votre société sur ce marché ? 

Dandermutande est l’un des huit fournisseurs d’accès à Internet (FAI) enregistrés auprès de notre autorité de régulation, Potraz. Nous sommes, en termes de parts de marché, le troisième plus grand FAI au Zimbabwe. Nous sommes également le plus grand opérateur VSAT avec une part de 38% du marché VSAT total.

Ce que nous avons vu, au Zimbabwe, c’est une adoption assez agressive des technologies dans tous les secteurs économiques. Cette évolution a été en partie accélérée par le Covid-19. De toute évidence, le Covid a forcé de nombreuses personnes à quitter leur bureau pour travailler de n’importe où, ce qui a déclenché cette tendance désormais consolidée. En même temps, il a également rendu les gens très conscients que la technologie était réellement là et qu’ils ne pouvaient plus s’en passer. Dans l’ensemble, ces facteurs ont partiellement contribué à l’adoption accrue de différents types de technologies, la connectivité étant la principale d’entre elles, car elle permet aux gens de travailler plus efficacement, au bureau, à distance, virtuellement ou en déplacement.

Le numérique est l’un des principaux moteurs de la transformation du Zimbabwe en une économie de classe moyenne supérieure d’ici à 2030

En tant que fournisseurs d’accès à Internet, nous avons évidemment joué un rôle de premier plan dans l’amélioration de l’accès à la technologie. Au cours des trois dernières années, le taux de pénétration de l’internet au Zimbabwe est passé de 61 % à 62,2 % à la fin de l’année dernière. Cela témoigne directement de l’adoption de la technologie qui complète les efforts de notre gouvernement en vue de la création d’une économie numérique au Zimbabwe, qui est l’un des principaux moteurs de la transformation du Zimbabwe en une économie de classe moyenne supérieure d’ici à 2030.

Cela s’aligne sur la stratégie nationale menée par le ministère des TIC et tous les acteurs du secteur pour s’assurer que le Zimbabwe se transforme, et que cette transformation se fera par le biais du numérique.

La stratégie est divisée en deux phases : la première, appelée stratégie nationale de développement 1, s’achèvera en 2025, et sera suivi par la seconde stratégie nationale de développement 2, en 2030. 

Le point d’ancrage de tout cela est la transformation du Zimbabwe en une économie intelligente, tirée par la technologie. L’accent est mis sur l’agriculture intelligente, sur les villes intelligentes, sur l’exploitation minière intelligente et, bien entendu, sur le tourisme, les principaux moteurs de notre économie.

Ainsi, grâce à cet effort délibéré au niveau national, sous l’impulsion du ministère et de l’autorité de régulation, nous avons assisté à un déploiement délibéré de l’infrastructure, telles que les stations de base, en particulier dans les marchés mal desservis et les zones rurales. Sur le plan réglementaire, le cadre d’octroi des licences a été élargi pour inclure les acteurs locaux aux niveaux provisoire et rural, ce qui leur permet d’entrer sur le marché et d’offrir des services sur ces marchés mal desservis.

Le plus grand défi du Zimbabwe est évidemment l’accès au financement et aux capitaux étrangers

Le plus grand défi du Zimbabwe est évidemment l’accès au financement et aux capitaux étrangers. C’est d’ailleurs ce qui a retardé le rythme d’expansion des infrastructures. 

Comme vous le savez, le Zimbabwe n’est pas très présent sur le marché des capitaux. La plupart des projets sont financés par des ressources propres ou par le gouvernement, qui subventionne les infrastructures dans les zones rurales.

Vous observerez que nous avons deux entreprises technologiques qui sont détenues par le gouvernement. Il y a TelOne et NetOne. NetOne s’occupe de la téléphonie cellulaire et TelOne de la connectivité. Par l’intermédiaire de ces deux entreprises, le gouvernement a donc contribué à garantir le déploiement des infrastructures. L’autre aspect qui affecte l’expansion des technologies et de la connectivité est que le Zimbabwe étant un pays enclavé, nous devons obtenir notre Internet via les pays voisins, comme le Mozambique et l’Afrique du Sud. Le coût de la connectivité est donc encore élevé au pays. Et c’est l’une des choses sur lesquelles nous travaillons. En effet, malgré l’existence de services sans fil, si la population n’a pas les moyens de s’offrir ces services, elle ne pourra pas participer à cet espace.

Troisièmement, à mesure que plus de personnes accèdent à Internet, la cybersécurité devient automatiquement une source de préoccupation. Notre pays a signé la convention de Malabo sur la cybersécurité il y a trois ans. Nous avons également promulgué une loi sur la protection des données, qui prévoit la manière dont nous répondons aux problèmes cybernétiques au niveau national, la manière dont nous mettons en place la cyber infrastructure ainsi que la manière dont nous nous assurons qu’il y a une sensibilisation suffisante à la cybersécurité. C’est donc aussi l’autre domaine sur lequel nous nous penchons en tant que pays.

Vous êtes également président de l’Association des fournisseurs d’accès à l’internet du Zimbabwe. Le dialogue entre le gouvernement et le secteur privé dans ce secteur est-il constructif ? Êtes-vous entendus ? Vos propositions sont-elles entendues ? 

Je suis en effet président de l’Association des fournisseurs d’accès à l’internet du Zimbabwe, une organisation qui travaille en étroite collaboration avec notre régulateur et qui cherche à évaluer comment nous pouvons changer la dynamique du marché en ce qui concerne la connectivité et la technologie.

Il existe une très bonne relation entre le secteur privé, le gouvernement et le régulateur. L’impact est réel. Nous avons un engagement constant entre le secteur privé, le régulateur et le gouvernement par l’intermédiaire du ministère des TIC. Je pense donc que nous avons trouvé un terrain d’entente. Nous nous penchons tous sur les mêmes problèmes et nous nous demandons tous comment les résoudre. Comment augmenter la capacité, c’est-à-dire comment apporter plus de bande passante dans le pays ? Comment connecter ceux qui ne le sont pas ? Comment baisser le prix des services ? Voilà les trois questions que les trois parties prenantes, à savoir le régulateur privé et le gouvernement, examinent et se demandent s’il est possible de trouver des solutions dans ces domaines. Si nous y parvenons, nous serons alors en mesure d’améliorer notre économie et de concrétiser la vision 2030 qui consiste à faire du Zimbabwe une économie de classe moyenne supérieure d’ici cette année-là grâce à l’utilisation des technologies.

Vous avez participé à Transform Africa qui se tenaient, chez vous, à Victoria Falls. Quels étaient vos objectifs et ont-ils été atteints ? 

Ce que j’ai trouvé intéressant à « Transform Africa, » et c’est évidemment la première fois que j’y participe, c’est que transformer l’Afrique reste un véritable enjeu pour tous les pays africains. L’une des principales conclusions que j’en tire est qu’il va favoriser la collaboration régionale et continentale, ce qui est très important. Il permet également d’harmoniser les différentes stratégies des différents pays dans le cadre d’une vision unique, celle de la transformation de l’Afrique.

Harmoniser les différentes stratégies des différents pays dans le cadre d’une vision unique, celle de la transformation de l’Afrique

Les débats qui ont lieu lors de ce sommet ont en fait permis de trouver un alignement au niveau national, avec différents présidents qui viennent donner le ton, définir la vision, et aussi les différents organismes de réglementation en Afrique qui se réunissent et partagent des notes, ainsi que le secteur privé. 

Nous y avons participé en tant que secteur privé, nous engageons nos autres collègues des différents marchés. En fin de compte, Transform Africa est un mandat d’inclusion numérique qui vise à s’assurer que la technologie est disponible, pour accélérer la croissance pour tous les pays, mais aussi qu’elle est partagée. Je considère donc qu’il est essentiel d’organiser un événement comme celui-ci pour intensifier les conversations, favoriser la collaboration entre les différentes nations, entre les différents secteurs privés en Afrique et entre les différents organismes de réglementation en Afrique, et partager les expériences. Il s’agit donc d’un objectif fondamental dont le moment est venu. En fait, si je puis dire, nous aurions dû le faire plus tôt, mais mieux vaut tard que jamais. 

Le secteur privé zimbabwéen était présent. Dans le secteur des télécommunications, qui comprend à la fois les fournisseurs d’accès à Internet et les fournisseurs de téléphonie mobile, tous les PDG étaient présents, à l’exception d’un seul, avec leurs équipes. Cela illustre la façon dont nous nous mobilisons, avec notre ministère des TIC et nos régulateurs. Nous devions être ici, et c’est pourquoi nous y étions tous, pour représenter notre pays, promouvoir notre secteur des TIC et nos entreprises.

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