Considéré comme un aîné de l’humour congolais, Phil Darwin, 45 ans, chroniqueur radio, humoriste et comédien ne cesse de se réinventer. Retour sur le parcours de cet artiste touche-à-tout, qui prépare le premier Festival du rire au Congo.
Par Mérième Alaoui
Lire la suite : Phil Darwin « L’humour africain devient un business qui se professionnalise »Comment un fils de diplomate congolais se retrouve-t-il sur les planches à faire rire son public ? C’est l’histoire de Phil Darwin, 45 ans, humoriste qui enchaîne les projets pour faire vivre ses passions : l’humour et le jeu d’acteur. Celui qui chronique l’actualité tous les jours sur radio Africa n°1 avec “Les théories de Darwin” sera sur les planches du théâtre Le République à Paris, le 14 octobre, puis en tournée en France et en Afrique.
« D’habitude, je raconte mes voyages, les rencontres que j’y fais. Mais dans ce nouveau spectacle ‘Juste Phil it’, c’est plus intime, plus intérieur. Je reviens sur ma quête spirituelle, ma relation à Dieu. Mais voilà, tous mes amis catholiques, juifs ou musulmans veulent absolument me convertir. Je vis un mercato religieux ! Comme Kylian Mbappé sollicité par le PSG et le Réal de Madrid », sourit-il. Les religions, une autre façon d’évoquer le métissage, le mélange des cultures « qui ont fait ce que je suis devenu ! ».
Le plus Maghrébin des Subsahariens
Né au Congo, ce fils de diplomate a voyagé très tôt. « D’abord en France, puis en Algérie, toujours pour suivre mon père, avant un retour au Congo… ». La famille passe trois mandats en Algérie, pays que l’artiste connaît bien et qui a inspiré nombre de ses sketchs. « J’ai appris la différence entre les accents algérien, marocain et tunisien… Tous ces pays où j’ai passé beaucoup de temps ». Ainsi, il devient le plus Maghrébin des Subsahariens et joue avec gourmandise des différences entre communautés. « J’en suis fier, au départ j’étais quasi seul à faire cela ». Aujourd’hui, c’est devenu un style chez les jeunes générations d’humoristes. Mais il affirme que pour lui, c’était naturel. « Je suis né en Afrique, j’y ai grandi, je suis Africain dans l’âme, j’ai besoin de partager mon histoire. Ce que j’ai vraiment vécu ».
Mais tout n’a pas été facile pour imposer une telle passion à sa famille, et même au-delà. « Comme tout bon père africain, le mien voulait choisir mon métier : diplomate, chirurgien…Il voulait que je fasse l’ENA comme mon frère ». Un véritable « bras de fer » s’engage et il réussit à s’inscrire dans une école de management, « tout simplement pour avoir le temps de jouer ». Il obtiendra tout de même un master et l’année de son diplôme, il signe un premier contrat avec la production française “Juste pour rire”.
“Pour certains, faire rire c’était un truc réservé aux Ivoiriens, pas aux Congolais”
« Je me rappelle très bien qu’au pays, quand je disais que je voulais devenir humoriste, personne ne me prenait au sérieux. On se moquait ouvertement de moi. Pour les gens, faire rire c’était un truc réservé aux Ivoiriens, pas aux Congolais. C’est un peu normal, nous n’avions aucun modèle à suivre ». Quand il y repense, cela justifie sa détermination à tenir des masterclass et des ateliers à destination des jeunes humoristes congolais. Dans l’objectif de lancer le premier Festival du rire à Brazzaville, courant 2023, en collaboration avec le ministère de la Culture. L’idée est d’importer le modèle du Comedy club de Jamel Debbouze et du Marrakech du rire, devenus des références sur le continent.
S’il compte continuer à jouer, il se voit davantage en dénicheur de talents, voire en producteur. « Je ne me donne pas vraiment cette fonction, mais oui, je veux être dans la transmission. Je suis fier de mettre en valeur de nouveaux visages ». D’autant que la jeunesse africaine regorge de talents. Beaucoup d’Africains se sont fait connaître avec des vidéos courtes publiées sur les réseaux. En particulier pendant les divers confinements dus à la Covid.
L’humour africain devient un business qui se professionnalise
Si les jeunes rêvent d’Europe, pour lancer leur carrière, ils sont de plus en plus nombreux à vivre de leur art en Afrique. « Certains remplissent des salles, car ils sont connus sur les réseaux. Ils n’hésitent pas à faire du placement de produits dans leur vidéo. D’autres parviennent à signer un partenariat avec un opérateur téléphonique par exemple, qui finance des shows privés… », fait observer Phil Darwin. L’humour africain devient un business qui se professionnalise. « Culturellement, les Africains fréquentent plus facilement les salles de spectacle et sont prêts à payer pour un grand show humoristique. Je suis très confiant pour notre Festival, l’année prochaine ! »
En attendant, Phil Darwin sera à l’affiche du dernier film de la réalisatrice Claudia Yoka “Mayouya” (l’art de l’arnaque en Lingala), avec Tatiana Rojo vue dans le film français “Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu”.