Cart’Afrik : Soutenir la société civile africaine pour relever les défis futurs

De nombreux projets et programmes financés par des fonds internationaux et mis en œuvre en Afrique de manière indépendante ont dû faire une pause ou se retirer pendant l’incertitude des premiers jours de la pandémie de COVID-19, mais les organisations de la société civile basées localement n’ont eu d’autre choix que de rester. Parfois, ces OSC étaient le seul filet de sécurité disponible pour les communautés qui avaient besoin des commodités les plus élémentaires, comblant ainsi le vide laissé par les retombées économiques et sociales de la crise sur le continent.
Par Rose Maruru*
La pandémie a mis en évidence de nombreuses inégalités sociétales, et les dons philanthropiques mondiaux n’y ont pas échappé. À bien des égards, COVID-19 a prouvé que les modèles existants de dons philanthropiques dans le domaine du développement mondial et de l’aide ne sont pas nécessairement à la hauteur de leurs nobles idéaux et qu’ils ne conduisent pas aux changements souvent vantés.
« Les OSC africaines ne devraient pas avoir besoin d’attendre une autre crise. Il est maintenant temps que les choses changent »
Bien qu’elles soient évincées de l’accès aux financements mondiaux par les grandes organisations internationales, les OSC sont l’épine dorsale des sociétés africaines. En effet, dans une enquête réalisée en 2021 par EPIC-Afrique et @AfricanNGOs, plus de 80 % des OSC africaines participantes ont déclaré avoir introduit de nouvelles activités de programme pour répondre aux besoins sociaux et économiques des populations les plus vulnérables pendant la crise.
Dans le même temps, plus de 68 % d’entre elles ont déclaré avoir subi une perte de financement depuis le début de la pandémie, contre environ 56 % dans une enquête réalisée en 2020, et moins de 10 % ont déclaré avoir reçu un soutien par le biais des fonds d’aide d’urgence du gouvernement.
Ces conclusions sont claires : les modèles existants de dons philanthropiques exacerbent certaines des pressions auxquelles les OSC sont confrontées, entravant leur capacité à prospérer et à répondre efficacement aux communautés en crise. Le manque de ressources à long terme et la restriction de l’espace civique dans de nombreux pays sont antérieurs à la pandémie, mais ont exercé une pression supplémentaire sur le secteur des OSC africaines, qui cherche à soutenir efficacement la reprise économique du continent et à renforcer sa capacité à réagir à cette crise et aux chocs futurs.
Les OSC africaines ne doivent pas attendre une autre crise. Il est temps que les choses changent. De plus en plus, les bailleurs de fonds – philanthropiques ou non – parlent de changement systémique et disent être à l’écoute de ceux qu’ils soutiennent, mais quelles mesures concrètes peuvent-ils prendre ?
Les OSC africaines disent être confrontées à des défis en matière de gestion financière, de leadership, de ressources humaines, d’opérations et de communication. Ces domaines fondamentaux doivent être soutenus pour renforcer les capacités à long terme des organisations, ce qui nécessite un soutien institutionnel, et non un soutien basé sur des projets. Les bailleurs de fonds devraient faire confiance aux OSC africaines, qui affichent transparence et crédibilité, les financer directement et contribuer à la mise en place d’infrastructures et d’organisations philanthropiques solides, capables de fournir des services et des outils pour répondre aux besoins des communautés locales.
Le rétrécissement de l’espace civique et l’interaction limitée avec les structures gouvernementales officielles peuvent limiter la portée de nombreuses OSC africaines. Ces organisations sont encore trop facilement écartées sur le continent en raison de l’absence de réseaux de lobbying solides et efficaces capables d’interagir avec les structures gouvernementales sur un pied d’égalité.
» Les OSC africaines sont claires : elles recherchent des modèles de financement flexibles et à long terme qui leur permettent d’être plus efficaces »
Les efforts en cours doivent renforcer la capacité des OSC à s’engager auprès des gouvernements de manière sûre et efficace. Le secteur a besoin d’un soutien pour s’organiser, quantifier son poids dans les sociétés et les économies, et communiquer plus largement son impact. Les OSC africaines sont claires : elles recherchent des modèles de financement flexibles et à long terme qui leur permettent d’être plus efficaces.
Les recherches de nos amis de la Fondation Firelight vont dans le même sens. Les outils révolutionnaires du fonds, élaborés avec des organisations communautaires d’Afrique orientale et australe, fournissent des conseils clairs et exploitables dans toute une série de domaines – de l’interaction avec ces groupes à l’évaluation et à l’apprentissage – pour que les bailleurs de fonds s’engagent auprès des OSC africaines de manière à ce que le soutien soit significatif et contribue à un changement transformateur.
La localisation, #ShiftThePower, et d’autres mouvements appelant à démanteler les pratiques de financement dominantes qui marginalisent les initiatives menées par les Africains pourraient être sapés sans une infrastructure de soutien robuste et ancrée localement, ce qui conduirait à un retour au statu quo.
Les OSC africaines sont à la tête du changement, tant au sein de leurs propres communautés qu’au niveau national. Elles ont de la crédibilité et leur propre expertise – et ce sont ces deux éléments qui devraient constituer la base du soutien. Les bailleurs de fonds ne doivent pas attendre une autre pandémie pour se rappeler qu’ils peuvent effectivement être flexibles. La reprise économique de l’Afrique et la vie de millions de personnes dépendent des organisations de la société civile. Les OSC comme les bailleurs de fonds doivent saisir ce moment pour agir.
*Rose Maruru est cofondatrice et directrice générale d’EPIC-Africa, une organisation qui cherche à accroître l’impact de la philanthropie en Afrique. Rose travaille dans le domaine de la philanthropie et de la société civile depuis près de 25 ans, gérant des partenariats stratégiques, élaborant des stratégies et mobilisant des ressources. Avant de fonder EPIC-Africa en 2015, Rose a occupé divers postes de gestion et de direction dans o…