Intégration : l’unique alternative à la crise
A peine sortie de la pandémie Covid 19, et alors que son impact sur le tissu socio-économique du continent continue de se faire sentir, la guerre en Ukraine, la hausse du prix des carburants plongent le continent dans une nouvelle période d’incertitude. Pour faire face, l’Afrique devra faire bloc !
Par Dounia Ben Mohamed
Janvier 2021, l’Afrique célébrait l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Avec un marché potentiel de 1,2 milliard de consommateurs actuellement, pour un PIB estimé à 2 500 milliards de dollars, et près de 2,5 milliards en 2050, le continent devient alors le plus grand espace commercial au monde. Depuis, la pandémie de Covid 19 a bousculé l’ordre mondial et dans son sillage l’agenda de mise en place de la ZLECAf. Et alors que, tel un mauvais remake du passé, l’Europe est de nouveau le terrain d’un affrontement entre les grandes puissances de ce monde, l’Afrique, déjà en proie aux conséquence socio-économiques de la pandémie, doit faire face à la flambée du prix des carburants et par conséquence de celle du prix du transport et infine des marchandises.
« La pandémie a annulé plus de deux décennies de progrès en matière de réduction de la pauvreté sur le continent »
Résultat, selon une récente étude publiée par le Rapport économique sur l’Afrique 2021 (ERA2021) lancé en marge de la Conférence annuelle des ministres des finances, de la planification économique et du développement (CoM2022), de la Commission économique pour l’Afrique à Dakar, au Sénégal, la pandémie a causé des pertes d’emplois, réduit les revenus et encore plus limité la capacité des ménages à gérer les risques. « On estime que 12,6 % de personnes de plus sont susceptibles d’être poussées dans la pauvreté en une seule année de plus que le total combiné des pauvres supplémentaires depuis 1999 » indique le rapport. Autrement dit, selon leur analyse, la pandémie a annulé plus de deux décennies de progrès en matière de réduction de la pauvreté sur le continent.
Une situation critique que la guerre en Ukraine pourrait rendre alarmante. « La guerre en Ukraine vient perturber la reprise économique prometteuse de la région » notait le FMI en mars dernier. L’activité économique a connu un regain inattendu l’année dernière, ce qui a fait passer les prévisions de croissance de 3,7 % à 4,5 %. Cependant, la guerre change de façon tragique le cours des événements et va faire ralentir la croissance à 3,8 % en 2022. »
« Au-delà des crises actuelles, les pouvoirs publics doivent agir résolument pour diversifier l’économie, encourager l’intégration régionale, y compris par l’intermédiaire de la zone de libre-échange continentale africaine, libérer le potentiel du secteur privé et relever les défis des changements climatiques »
Une nouvelle crise qui vient se superposer à l’impact de la pandémie, tandis que l’évolution des coûts d’emprunt et de la demande mondiale est soumise à une incertitude croissante, ce qui complique considérablement la tâche des pouvoirs publics, qui font face à une augmentation des besoins, une aggravation des risques et un rétrécissement de leur champ d’action, explique l’Institution qui tire la sonnette d’alarme.
Et parmi les solutions préconisées : la ZLECAf, entre autres. « Au-delà des crises actuelles, les pouvoirs publics doivent agir résolument pour diversifier l’économie, encourager l’intégration régionale, y compris par l’intermédiaire de la zone de libre-échange continentale africaine, libérer le potentiel du secteur privé et relever les défis des changements climatiques. La solidarité et la coopération internationales continueront de jouer un rôle vital dans tous ces domaines. »
« L’intégration régionale reste la clé de la transformation des économies fragmentées de l’Afrique »
A situation d’urgence, mesures d’urgences. Ce qui aura d’ailleurs été au cœur de la CoM2022. Et à ce niveau, l’approche à adopter est là même pour tous : l’intégration régionale reste la clé de la transformation des économies fragmentées de l’Afrique.
Plus que jamais les pays africains sont invités à exploiter les opportunités intégrées dans les initiatives d’intégration telles que la ZLECAf pour favoriser la relance et la transformation économique post-Covid19. « En ce qui concerne l’intégration commerciale, des progrès ont été réalisés dans la stimulation du commerce intra-africain, comme l’adoption de politiques et de stratégies d’industrialisation. Mais l’Afrique continue de commercer davantage avec l’extérieur qu’avec elle-même », a observé Stephen Karingi, Directeur de la Division de l’intégration régionale et du commerce, de la Commission économique pour l’Afrique.
Le directeur de la CEA fait remarquer que l’intégration et la convergence macroéconomiques sont essentielles pour accélérer le commerce intra-régional. Cinq Communautés économiques régionales (COMESA, CAE, CEEAC, CEDEAO et SADC) ont déjà des critères de convergence macroéconomique primaires.
« Les solutions proposées par l’Afrique devraient survivre aux chocs actuels que traverse le continent et faire face aux défis futurs »
Mais « l’intégration et le développement socio-économique de l’Afrique sont entravés par d’énormes lacunes en matière d’infrastructures. L’intégration de la production sur le continent reste inégale et faible », ajoute-t-il. Avant de conclure : « Les solutions proposées par l’Afrique devraient survivre aux chocs actuels que traverse le continent et faire face aux défis futurs. La volonté politique doit être traitée et le dialogue au sein des pays (doit être encouragé) ».
Des avancées notables sur la voie de l’intégration continentale…
Même si des avancées, notables sont à enregistrer sur la voie de l’intégration continentale. Le Gabon a, enfin, adopté le passeport de la CEMAC. Sur six pays membres de cette organisation régionale, seul le Gabon n’avait pas encore commencé à émettre ce document qui matérialise la libre circulation des ressortissants dans les pays membres. Il lui aura fallu plus de dix ans mais c’est un pas majeur en direction de l’intégration régionale en Afrique centrale.
De même, La CEDEAO a lancé des études pour la création d’une liaison maritime entre ses pays membres et le Cap-Vert. Objectif : favoriser une coopération commerciale profitable aux marchés de la sous-région.Mieux, et toujours dans le cadre de la ZLECAf, la Cemac et la CEEAC sont en passe d’harmoniser leurs politiques d’industrialisation et commerciale.
Du côté des « partenaires » également, ont mise et accompagne le processus. Le Cadre intégré renforcé (CIR), la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) et la Société internationale islamique de financement du commerce (SIFC) vont aider des pays africains à opérationnaliser la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). De même que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et la Banque africaine de développement (BAD) déjà sur le chantier tandis que les États-Unis, via l’US-Africa Business Council, ont affirmé l’intention « d’attirer les investissements dans un marché moins fragmenté ».
A ce titre, les responsables ZLECAf et le Centre du commerce international (International Trade Centre, ITC) ont signé le 17 mai dernier, une partenariat qui vise à «appuyer le processus global d’intégration régionale en Afrique» dans le cadre de la mise en œuvre de la ZLECAF. L’accord devra également permettre de «renforcer la compétitivité des Micro, petites et moyennes entreprises (MPME) ainsi que des femmes et des jeunes entrepreneurs, afin qu’ils puissent bénéficier des opportunités offertes par le marché unique et ainsi accroître leur participation aux chaînes de valeur régionales/continentales».
… mais un rythme à accélérer
De son côté, le Secrétariat de la ZLECAf n’a pas chômé, s’activant, de pays à pays, pour accompagner le processus de sa mise en place locale (lire le Focus : Où en est la ZLECAf ?). Il a en outre développé la Plateforme africaine de paiement et de règlement (PAPSS), en collaboration avec Afreximbank pour promouvoir les paiements transfrontaliers.
Incontestablement le processus est en marche… Il va toutefois falloir, compte tenu des enjeu en cours, accélérer la cadence. Un premier bilan officiel sera sans doute établi lors du sommet de la ZLECAf prévu en novembre prochain…