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G20 en Afrique du Sud : un sommet historique peut-il vraiment rebattre les cartes de la gouvernance mondiale ?

Les 22 et 23 novembre 2025, Johannesburg accueillera le premier sommet du G20 organisé en Afrique. Avec pour devise « solidarité, égalité, durabilité », la présidence sud-africaine (1er décembre 2024 – 30 novembre 2025) entend replacer les priorités du continent au cœur de la réforme de l’architecture financière mondiale. Mais entre symbole, attentes immenses et rapports de force persistants, ce rendez-vous historique sera-t-il un tournant ou une promesse de plus ?

Par Bylkiss Mentari, à Johannesburg

Pour la première fois depuis sa création en 1999, le G20 tiendra son sommet annuel sur le sol africain. Sans la participation annoncée de Donald Trump mais avec la participation confirmée de 42 pays et organisations. L’événement est d’autant plus stratégique qu’il intervient deux ans après l’admission de l’Union africaine comme membre permanent du groupe lors du sommet de New Delhi en 2023, une décision présentée comme un « correctif historique » visant à donner une voix plus représentative au continent. Le choix de Johannesburg marque donc à la fois une reconnaissance diplomatique et un test opérationnel : l’Afrique peut-elle réellement peser dans un club qui représente environ 85 % du PIB mondial, 75 % du commerce international et deux tiers de la population mondiale ?

La présidence sud-africaine a donné le ton : « solidarité, égalité, durabilité »

La présidence sud-africaine a donné le ton : « solidarité, égalité, durabilité ». Selon Pretoria, l’objectif est d’inscrire le développement africain à l’agenda global et de faire avancer des dossiers urgents tels que la réforme des institutions financières internationales, l’accès à des financements concessionnels ou encore l’amplification des droits de tirage spéciaux (DTS). L’Union africaine a chaleureusement salué cette orientation : « La Commission de l’Union africaine exprime chaleureusement son soutien à la République d’Afrique du Sud en tant que présidente du G20 […] accueillant pour la première fois le Sommet du G20 en Afrique», souligne une déclaration officielle. Le message est clair : le continent entend parler d’une seule voix.

Nous devons replacer les besoins du Sud global au centre des décisions qui structurent l’économie mondiale

Mais derrière cette dynamique institutionnelle se cachent des attentes lourdes. L’Afrique fait face à un mur de dettes, à des coûts d’emprunts parmi les plus élevés au monde et à des besoins massifs en infrastructures, énergies propres et industrialisation. Le G20 apparaît comme un espace privilégié pour réclamer une réforme profonde d’un système financier considéré comme inadapté aux vulnérabilités africaines. La présidence sud-africaine a déjà annoncé vouloir défendre des mécanismes plus souples et plus rapides pour le traitement de la dette, ainsi que des investissements massifs dans la transition énergétique. « Nous devons replacer les besoins du Sud global au centre des décisions qui structurent l’économie mondiale », confie un conseiller sud-africain.

L’Afrique devra parler d’une seule voix si elle espère influencer la prise de décision du G20

L’enjeu de gouvernance est tout aussi déterminant. La présence combinée de l’Afrique du Sud et de l’Union africaine pourrait théoriquement renforcer la cohérence du plaidoyer africain. L’ancien Premier ministre du Niger Ibrahim Assane Mayaki rappelle cependant la condition de ce succès : « L’Afrique devra parler d’une seule voix si elle espère influencer la prise de décision du G20. » Un avertissement qui souligne la complexité de représenter cinquante-cinq pays aux intérêts parfois divergents. La coordination entre Pretoria et l’UA sera un test de maturité diplomatique pour le continent.

Reste à mesurer les limites de cet exercice. L’histoire du G20 montre que les déclarations finales sont souvent ambitieuses mais peu contraignantes. Les grandes puissances restent divisées sur des sujets clés comme la fiscalité internationale, la réforme du FMI ou le financement climatique. Dans ce contexte, le risque est que le sommet de Johannesburg se transforme en vitrine symbolique plutôt qu’en moteur de changement. L’Afrique devra donc pousser pour obtenir des engagements mesurables : montants financiers, calendriers d’exécution, mécanismes de suivi. La présidence sud-africaine assure vouloir éviter les promesses vagues et exige « des résultats vérifiables ».

Le sommet est un symbole. L’histoire dira s’il deviendra un tournant

Après le sommet, les regards se tourneront vers la déclaration finale des dirigeants, les annonces de financements concrets, ainsi que les initiatives sectorielles pouvant accélérer la transformation du continent, qu’il s’agisse d’infrastructures numériques, d’industrie pharmaceutique ou d’énergies propres. Mais la question essentielle restera la capacité de l’Afrique à transformer cette visibilité exceptionnelle en gains tangibles. Le sommet est un symbole. L’histoire dira s’il deviendra un tournant.

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