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Lacina Kone : « L’intelligence artificielle africaine doit être inclusive et ancrée dans nos réalités »

À l’occasion du Transform Africa Summit, Lacina Kone, Directeur Général de Smart Africa, revient sur la vision d’une intelligence artificielle véritablement africaine. Pour lui, l’IA est un catalyseur de développement, capable de transformer l’éducation, la santé et l’inclusion économique, tout en préservant les langues, cultures et valeurs locales.

Vous avez qualifié cette édition de Transform Africa Summit d’historique à plus d’un titre, pourquoi ?

La vocation de cette septième édition, c’est l’intelligence artificielle pour l’Afrique, innover localement pour impacter globalement. C’est la raison pour laquelle nous sommes là.

C’est assez historique, non seulement pour l’intelligence artificielle, c’est parce que nous nous retrouvons aujourd’hui en Afrique de l’Ouest et dans un pays francophone pour la première fois, dans l’histoire de Smart Africa et dans l’histoire du Sommet des Transformations Africa. Depuis l’année dernière, en 2024, nous avons commencé à aborder les sujets de l’intelligence artificielle.

Pourquoi l’Afrique doit développer une IA africaine spécifiquement et comment atteindre cet objectif ?

Nous trouvons qu’il est opportun de rester très critique et précis dans l’approche. L’IA que nous voulons n’est pas seulement une technologie de puissance, mais un outil utilisable au quotidien. L’intelligence artificielle est un égaliseur. Même dans les zones rurales ou parmi les populations non scolarisées, elle peut permettre à chacun de participer activement au développement économique et social.
 Aujourd’hui, il ne suffit pas d’avoir des diplômes universitaires. Si l’on ne sait pas manipuler la technologie, on devient illettré en numérique. Même un docteur en littérature, s’il ne sait pas utiliser l’IA, est en quelque sorte démuni. Nous entraînons nos Large Language Models (LLM) dans des langues africaines – arabe, berbère, wolof, français, anglais – pour toucher ces segments de la population. Cela permet à ceux qui n’ont jamais eu accès à l’Internet ou à l’école de participer au développement socio-économique.

Quels sont les principaux défis pour y parvenir et comment Smart Africa entend les relever ?

L’intelligence artificielle est perçue comme une révolution, et c’est vrai. Mais dans le contexte africain, c’est avant tout une évolution des systèmes numériques. Les fondements de l’IA sont l’infrastructure, la puissance informatique, la gouvernance des données, les talents et le renforcement des capacités. Smart Africa travaille sur ces bases depuis longtemps. L’IA accélère simplement notre objectif : renforcer nos infrastructures, développer nos talents et construire des datasets africains pour préserver nos cultures, valeurs et langues.

L’inclusion en Afrique via l’IA sera différente de celle d’autres nations. Il ne s’agit pas seulement d’intégrer ceux qui ont déjà accès à la technologie, mais d’apporter l’outil aux populations éloignées, rurales ou non scolarisées. C’est un levier pour réduire les inégalités et générer un impact concret sur le terrain.

Smart Africa, créée en 2013 et opérationnelle depuis 2016 avec 7 chefs d’État fondateurs, rassemble aujourd’hui 42 États membres et couvre environ 1,2 milliard d’Africains. Nos fonds ont plus que triplé, et nous coordonnons près de 18 à 19 projets continentaux sur les technologies émergentes. Nous avons lancé l’Académie numérique de Smart Africa, le réseau Rooming Free, et mis en place des structures de cybersécurité continentales, avec des réunions annuelles au Maroc. Smart Africa n’est plus seulement une alliance de concertation, c’est une institution opérationnelle qui fait progresser concrètement les objectifs numériques du continent.

Quels enseignements tirez-vous de cette édition centrée sur l’IA africaine ?

L’IA est un catalyseur. Elle attire l’attention sur la nécessité d’infrastructures robustes, de talents qualifiés et de données africaines. Elle renforce la gouvernance et permet de créer des solutions adaptées aux réalités locales. Cela va de l’éducation – où des étudiants éloignés peuvent bénéficier de feedbacks personnalisés – à la santé, où l’IA peut détecter des anomalies avant un diagnostic médical. L’opportunité est immense, et nous devons former une génération capable de créer l’IA de demain, pas seulement de la consommer.Quid de la prochaine édition de Smart Africa ?

 La prochaine édition en 2026 est en préparation. Elle continuera à suivre cette trajectoire ambitieuse. Nous annoncerons les détails très bientôt.

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