Rwanda : un plan de 170 millions de dollars pour atteindre l’autosuffisance alimentaire d’ici 2029
Face à la flambée des prix alimentaires mondiaux et aux effets du changement climatique, le Rwanda s’engage dans un ambitieux programme de transformation agricole d’une valeur de 225 milliards de francs rwandais (environ 170 millions de dollars). Objectif : garantir son autosuffisance alimentaire d’ici 2029, réduire sa dépendance aux importations et renforcer la résilience des communautés rurales.

Présenté devant le Parlement par le Premier ministre Justin Nsengiyumva, ce plan marque une nouvelle étape dans la stratégie nationale de développement agricole. L’agriculture représente actuellement près de 25 % du PIB et demeure la principale source de revenus pour 70 % de la population rwandaise, selon la Banque mondiale. Ce poids économique et social confère au secteur un rôle stratégique dans la Vision 2050 du pays et sa Deuxième Stratégie nationale de transformation (NST2), qui placent la sécurité alimentaire au cœur du développement durable.
Moderniser l’agriculture pour garantir la sécurité alimentaire
Le gouvernement prévoit d’investir massivement dans la modernisation des infrastructures rurales, la mécanisation, la recherche agronomique, et l’amélioration des systèmes d’irrigation. Le Rwanda, dont le relief montagneux rend certaines zones vulnérables aux variations climatiques, entend étendre les terres irriguées de 74 000 à 132 000 hectares d’ici 2029, selon le ministère de l’Agriculture (MINAGRI). Cette extension permettra de réduire la dépendance aux pluies irrégulières et d’assurer une production continue tout au long de l’année.

Le gouvernement prévoit également de subventionner 50 % du coût du matériel d’irrigation pour les petits exploitants, dans le but d’élargir l’accès à la technologie et d’améliorer la productivité.
Stimuler la production locale et réduire les importations
Le plan mise aussi sur l’autonomie semencière et la hausse de la fertilisation des sols. Le Rwanda ambitionne de porter la consommation d’engrais de 73 kg par hectare à 95 kg d’ici 2029, tout en augmentant la production locale de semences certifiées. Actuellement, le pays dépend encore des importations pour des denrées comme le maïs, le riz et le blé. En favorisant la recherche agronomique et la collaboration entre l’État, les instituts scientifiques et le secteur privé, Kigali espère créer un écosystème agricole plus durable et moins exposé aux chocs extérieurs.
Dans une récente intervention, le Premier ministre Nsengiyumva a rappelé que « la sécurité alimentaire constitue un pilier essentiel de notre souveraineté nationale ». Il a insisté sur la nécessité d’« accélérer la modernisation du secteur pour garantir la stabilité de nos foyers et l’indépendance de notre économie ».
Diversifier les filières pour soutenir la nutrition et les revenus
Au-delà des cultures vivrières, le plan entend développer les filières animales et halieutiques afin de diversifier les sources de revenus et d’améliorer la nutrition. D’ici 2029, le Rwanda vise une production annuelle de 1,3 milliard de litres de lait, 77 000 tonnes de poisson et 21 000 tonnes d’œufs.
Les autorités veulent aussi renforcer les capacités nationales de stockage, qui devraient atteindre 420 000 tonnes de céréales, un levier essentiel pour réduire les pertes post-récolte estimées entre 15 et 20 % des volumes totaux. Ce volet logistique, souvent négligé, est crucial dans un pays où la productivité agricole reste freinée par le manque d’infrastructures de conservation et de transport.
Ce programme s’inscrit dans la Vision 2050, qui ambitionne de transformer le Rwanda en une économie à revenu intermédiaire supérieur d’ici le milieu du siècle. L’agriculture y est identifiée comme un moteur de croissance inclusive et d’emploi, notamment pour les jeunes et les femmes.
Selon le rapport 2024 de la Banque mondiale, la croissance agricole du Rwanda s’est maintenue autour de 5 % par an au cours de la dernière décennie, grâce aux réformes structurelles engagées depuis les années 2000. Toutefois, la dépendance aux importations d’engrais et aux conditions climatiques instables continue de fragiliser le secteur.
En lançant ce plan, Kigali cherche donc à renforcer sa souveraineté alimentaire tout en stimulant la création d’emplois et l’innovation dans les zones rurales. Pour les observateurs, cette approche pourrait servir de modèle pour d’autres pays africains, confrontés aux mêmes défis de dépendance et de vulnérabilité climatique.