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Hubs universitaires africains : la bataille pour attirer les talents

À l’heure où l’Afrique se positionne comme un acteur stratégique de l’économie mondiale, les pays du continent rivalisent pour devenir des pôles d’excellence en enseignement supérieur. Entre ambitions nationales, investissements dans l’innovation et stratégies d’internationalisation, cette compétition redessine le paysage académique africain.

L’Afrique, avec plus de 60 % de sa population âgée de moins de 25 ans, représente un vivier immense pour le développement de l’enseignement supérieur. Face à une demande croissante, plusieurs États ont engagé des stratégies ambitieuses pour se positionner comme des hubs éducatifs régionaux et internationaux.

Nous voulons devenir un hub universitaire afin que les étudiants étrangers, en particulier ceux des pays africains, considèrent le Rwanda comme leur première destination pour l’enseignement supérieur

Le Rwanda illustre cette dynamique avec une stratégie d’internationalisation volontariste. Depuis 2017, le nombre d’étudiants étrangers a été multiplié par six, passant d’environ 1 400 à près de 9 000 en 2024 (ICEF Monitor). Le gouvernement vise à accueillir 1 million d’étudiants d’ici 2027, en investissant massivement dans les infrastructures universitaires et en améliorant la qualité académique. Le ministre de l’Éducation, Joseph Nsengimana, souligne que « Nous voulons devenir un hub universitaire afin que les étudiants étrangers, en particulier ceux des pays africains, considèrent le Rwanda comme leur première destination pour l’enseignement supérieur », confirmant la volonté de faire du pays une destination éducative incontournable. Le président Paul Kagame insiste, quant à lui, que « « Chaque enfant rwandais devrait avoir la possibilité d’accéder à l’éducation », positionnant l’éducation au cœur de la stratégie nationale.

Afrique du Nord, une tradition académique solide; Afrique du Sud leader incontesté

En Afrique du Nord, la Tunisie et le Maroc bénéficient d’une tradition académique solide. Quatre universités tunisiennes figuraient en 2023 parmi les quarante meilleures universités arabes, selon l’Association des universités arabes, qui recommande de moderniser les méthodes et d’améliorer l’intégration des diplômés sur le marché du travail. Le Maroc mise sur l’excellence scientifique, avec des universités comme Cadi Ayyad à Marrakech, reconnue dans le Nature Index pour sa production de recherche de qualité. En 2023, sept universités marocaines figuraient dans le classement Times Higher Education, dont Mohammed V de Rabat. L’Égypte, de son côté, poursuit une internationalisation accélérée : trente-cinq universités figurent en 2025 dans le classement Times Higher Education, contre vingt-huit l’année précédente, accueillant 43 824 étudiants africains provenant de 39 pays.

Former ” Le meilleur du meilleur, non seulement au niveau national, mais aussi à l’international ”

@Université de Cape Town

L’Afrique du Sud reste le leader incontesté du continent. Des universités telles que Cape Town, Witwatersrand, Stellenbosch et Pretoria se situent régulièrement dans le top 500 mondial. L’Université de Cape Town affirme former « Le meilleur du meilleur, non seulement au niveau national, mais aussi à l’international. » tandis que l’Université of South Africa (Unisa), avec plus de 400 000 inscrits, illustre le modèle de méga-campus capable d’attirer des étudiants étrangers à distance.

Une nécessaire harmonisation des standards académiques

Les hubs universitaires africains disposent d’atouts indéniables : diversité des formations, adaptation aux besoins du marché, qualité des infrastructures et émergence d’écosystèmes innovants. La combinaison entre excellence académique, proximité industrielle et recherche appliquée constitue un facteur d’attractivité majeur.

Pourtant, les défis sont nombreux. Le financement de la recherche reste insuffisant dans plusieurs pays, l’encadrement pédagogique peut être limité, et la reconnaissance internationale des diplômes n’est pas toujours assurée. La concurrence entre pays pour attirer les étudiants nécessite aussi une harmonisation des standards académiques et un renforcement de la coopération régionale. L’accès équitable à l’éducation demeure une priorité, alors que les inégalités socio-économiques persistent.

Impact sur la mobilité étudiante, la recherche et l’innovation

 La mise en place de hubs universitaires stimule la mobilité intra-africaine et internationale des étudiants, favorise les échanges interculturels et renforce la collaboration entre institutions et entreprises. Elle permet également de développer des solutions innovantes adaptées aux enjeux du continent, notamment dans les domaines de la technologie, de la santé et de l’entrepreneuriat. Le Rwanda se distingue par ses programmes en technologie et innovation, tandis que l’Égypte et le Maroc renforcent leur position dans la recherche scientifique et appliquée.

Financement et insertion professionnelle : les clés de la réussite

Le financement reste un facteur déterminant. L’Égypte privilégie un modèle de subvention publique massive, l’Afrique du Sud s’appuie sur des partenariats public-privé, et le Rwanda mobilise également des initiatives philanthropiques. L’adéquation formation-emploi constitue un autre défi : les incubateurs universitaires en Tunisie ou les hubs d’innovation au Kenya servent de modèles pour rapprocher les étudiants du marché du travail et favoriser l’entrepreneuriat.

Transformer cette compétition en un levier collectif, faire émerger des pôles d’excellence régionaux et affirmer sa place dans la production mondiale de savoir

La bataille pour devenir un hub universitaire africain est loin d’être achevée. Certains pays ont déjà acquis une reconnaissance internationale, tandis que d’autres s’efforcent de rattraper leur retard. La réussite dépendra de la capacité à allier qualité académique, attractivité internationale, innovation, coopération régionale et insertion professionnelle. Si ces conditions sont réunies, l’Afrique pourrait transformer cette compétition en un levier collectif, faire émerger des pôles d’excellence régionaux et affirmer sa place dans la production mondiale de savoir.

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