Cap-Vert : de la fragilité insulaire à la résilience économique

Par Bylkiss Mentari

À son indépendance en 1975, le Cap-Vert faisait face à de nombreuses contraintes : isolement géographique, ressources naturelles limitées et économie dominée par l’agriculture de subsistance. Avec un RNB par habitant parmi les plus faibles du continent, l’archipel semblait condamné à la marginalité économique. Cependant, la stabilité politique et une série de réformes économiques ambitieuses ont permis au pays de diversifier progressivement ses activités et de bâtir une économie plus résiliente.

“Une augmentation de 16,8 % du revenu national brut par habitant entre 2023 et 2024 reflète l’évolution économique du pays. À compter d’aujourd’hui, le 1er juillet 2025, le Cap-Vert sera classé parmi les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, selon les critères établis par le Groupe de la Banque mondiale”, a déclaré l’institution financière.

Le tourisme, principal moteur de cette dynamique

En 2024, le PIB du Cap-Vert a atteint 2,77 milliards de dollars, avec un taux de croissance annuel de 7,3 %. Le tourisme, principal moteur de cette dynamique, a progressé de 16,5 % et représente près de 25 % du PIB, ainsi que 55 % des exportations, selon Coface. L’archipel a su séduire les marchés européens, notamment portugais, français et britanniques, et l’arrivée de compagnies aériennes low-cost a renforcé son attractivité.

La reprise économique du Cap-Vert témoigne de la résilience de ses citoyens et de ses institutions

« La reprise économique du Cap-Vert témoigne de la résilience de ses citoyens et de ses institutions. Mais pour transformer ce rebond en prospérité durable et inclusive, des réformes audacieuses sont nécessaires – notamment pour améliorer la gouvernance des entreprises publiques, soutenir la participation économique des femmes et diversifier l’économie », a souligné Indira Campos, représentante résidente de la Banque mondiale pour le Cap-Vert.

Réformes et diversification économique

Les réformes économiques ont joué un rôle tout aussi crucial. En 2023, le Cap-Vert a renforcé son plan de développement (PEDS-II) grâce à un partenariat avec les Nations Unies pour soutenir la reprise post-COVID-19. Ces initiatives ont permis de réduire le chômage à 10,3 % et la pauvreté à 15 %. Parallèlement, le pays a encouragé la diversification économique : le secteur secondaire représente environ 19 % du PIB, notamment dans la transformation alimentaire et la production d’énergie, tandis que le secteur primaire reste limité à 5 %.

La gestion rigoureuse de la dette publique a renforcé la confiance des investisseurs. En 2024, la dette représentait 109,6 % du PIB, un chiffre maîtrisé grâce à une politique budgétaire prudente, permettant au pays d’accéder à des financements internationaux. L’inflation a été contenue à 1 %, son niveau le plus bas depuis plusieurs années, contribuant à faire reculer la pauvreté à 14,4 % selon la ligne de pauvreté à 3,65 dollars par jour (2017 PPP).

Promouvoir une croissance inclusive

Malgré ces progrès, le Cap-Vert reste confronté à des défis. La dépendance au tourisme expose l’économie aux fluctuations internationales et aux crises sanitaires. Le rapport de la Banque mondiale souligne également l’importance de réduire les inégalités de genre sur le marché du travail :

« La réduction des écarts entre les sexes en matière d’emploi et de revenus pourrait augmenter le PIB de jusqu’à 12,2 % à long terme. En alignant les efforts de réforme sur des politiques inclusives, le Cap-Vert dispose d’une opportunité unique pour renforcer sa résilience, autonomiser davantage de citoyens – notamment les femmes – et bâtir un avenir plus durable et équitable », a déclaré Anna Carlotta Massingue, économiste senior pour le pays.

Les recommandations incluent l’expansion de l’accès à la garde d’enfants, des horaires flexibles, le renforcement des compétences des femmes en STEM, et la lutte contre la discrimination sur le marché du travail.

Un exemple inspirant

Le parcours du Cap-Vert démontre qu’une gouvernance stable, des réformes économiques cohérentes et une ouverture stratégique peuvent transformer un petit pays insulaire en modèle de résilience et de développement en Afrique. Ce succès offre un exemple inspirant pour d’autres nations confrontées à des contraintes similaires, prouvant que la résilience, l’inclusion et la diversification sont des leviers essentiels pour un développement durable.

Chiffres clés :

• Croissance réelle du PIB en 2024 : 7,3 %
• RNB par habitant : +16,8 % entre 2023 et 2024
• Inflation : 1 %
• Chômage : 10,3 %
• Taux de pauvreté : 14,4 %
• Contribution du tourisme au PIB : 25 %