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Famara Ibrahima Cissé, président de l’Association des Clients et Sociétaires des Institutions Financières

Un Zorro à l’assaut des banques

S’il y a un homme que les pratiques des banques agacent, c’est bien Famara Ibrahima Cissé. Il tire régulièrement sur les banques sans réussir à mobiliser les Sénégalais. Qui est ce « Zorro » des temps modernes qui veut mettre fin « aux arnaques » des banques ?

En décidant de se porter avocat des clients des banques et établissements financiers, Famara Ibrahima Cissé savait déjà que le combat n’allait pas être de tout repos. Il a beau critiquer les pratiques des banques, mais seule la presse se fait l’écho de ses complaintes. C’est à croire qu’il prêche dans le désert à chaque fois qu’il appelle ses compatriotes à une « journée sans banque » ou à un rassemblement contre les « formes d’arnaque » des établissements financiers. La détermination en bandoulière, il continue à se battre, dans une indifférence des Sénégalais qui ne le surprend guère.

Dans son for intérieur, il doit bien avoir la nostalgie des moments où il haranguait les foules d’élèves au collège et ensuite au lycée. A l’époque, le dirigeant de grève au lycée Lamine Guèye se faisait bien entendre par la foule. Famara Ibrahima Cissé, après l’école, a gardé ce coté avocat. Devenu enseignant volontaire, il troque ses habits de gréviste avec ceux de syndicaliste, précisément en occupant la fonction de chargé de communication du Sels̸̸ authentique. Auparavant, il lui a fallu se frotter au Sénégal des profondeurs en inculquant le savoir aux élèves de Saré Yoba Diéga, dans le département de Kolda, pendant deux ans. Devenu maitre contractuel chargé des cours, il range provisoirement la craie pour aller apprendre encore. Après un succès au concours des normaliens instituteurs, avec option philosophie, il rejoint la faculté des sciences et techniques de l’éducation et de la formation (Fastef) où il est en formation pendant sept ans. Fait important dans son emploi du temps, le natif de Bignona (Casamance) a toujours réussi à assumer ses activités à la tête de l’ACSIF.

« J’ai fait l’objet de menaces de mort »

Lorsque M. Cissé et ses amis portaient sur les fonts baptismaux l’association, en 2009, à Kolda où il enseignait, il venait de signer un long bail pour la défense des clients des banques et autres institutions financières. L’avocat des usagers de banques et ses amis n’ont pas attendu pour empocher leur récépissé, en 2012, pour aller au front. La gestuelle imposante, avec la main droite se baladant dans l’air et le bout des doigts du gauche fixé sur la table, il se livre à un cours anti-banque. Dans ses plongées au fin fond de sa mémoire, il remonte à la surface avec un triste souvenir. « J’ai été battu par des gens que je ne connaissais pas lorsque je montais l’association. J’ai fait l’objet de menaces de mort en 2015. Avant, en 2010, j’ai été battu », se remémore le président de l’ACSIF. Le coupable de cette agression sanctionnée d’une incapacité temporaire de travail de 21 jours, il ne le cherche pas plus loin que dans les rangs de l’adversaire d’en face. Sa plainte contre X est restée sans suite. N’empêche, il s’est fait une conviction : « l’agression venait de ceux dont je touchais les intérêts. Ils m’ont cassé les bras à Kolda, cela ne m’a pas découragé. Mes agresseurs n’ont jamais été identifiés, j’ai laissé tomber pour les combattre sur un autre point ». Et selon ses dires, on a même essayé de le corrompre en lui demandant à l’issue de rencontres avec les banques de « repasser seul ». Suffisant pour qu’il débusque une tentative de corruption. Famara Ibrahima Cissé se prévaut d’une carapace solide pour supporter son sacerdoce. Sa mère, craignant pour son fils qui est père de quatre enfants dont des jumeaux, lui avait exprimé son opposition à son combat. De la détermination à revendre ! Et des résultats qu’il n’hésite pas à égrener, comme cette dame de Vélingara que l’association a aidée à rentrer dans ses fonds après qu’un employé de banque ait imité l’écriture de la cliente sur un cheque obtenu frauduleusement. Des arguments à faire valoir, il en a. dans un milieu où les lettres et les chiffres font loi, où chaque zéro a de la valeur, où une virgule peut tout changer, Famara Ibrahima Cissé a confiance en ses connaissances.

Cet homonyme de l’ancien ministre socialiste et banquier de formation, Famara Ibrahima Sagna, a fait les mêmes études que des employés de banque et a son BTS Banque et finance en poche : « je voulais être banquier, j’ai fait la formation », confesse-t-il. Alors pourquoi ce retournement de veste, ce combat contre un métier qu’on idéalisait ? Déroutant ? « Lorsque je me suis rendu compte des difficultés que les clients rencontraient dans les banques, ma morale ne me permettait pas de continuer cette fonction. J’ai décidé alors de changer en me lançant dans l’enseignement où je nourrissais l’ambition de lancer une association pour défendre les clients des banques qui étaient laissés pour compte », explique-t-il. Comme pour montrer qu’il en connait autant que les professionnels, il débite le jargon bancaire : violation de la quotité incessible du salaire, nécessité d’une loi sur le délai de rétraction, monétisation, agios, pénalité, taux annuel…

« Un fervent revendicateur »

De quoi intimider le profane. Convaincu que le client n’est pas « protégé », qu’il existe un vide juridique, que les lois sont faites pour les banques, cet homme de 38 ans, en costume-cravate, la fine moustache et la chevelure bien entretenue, a enfilé le masque de Zorro, avançant à visage découvert. Dans son entourage, il est adulé : « Cissé est un homme courageux, qui ne laisse pas trainer une injustice devant lui. C’est un fervent revendicateur », affirme Antoine Mendy, chargé de communication de l’ACSIF. Vu du coté adverse, c’est un Don Quichotte à l’assaut de moulins à vent imaginaires. « Ah, le monsieur qui fait du bruit », nous sert un employé de banque qui a eu du mal à se remémorer le nom du patron de l’ACSIF. « Je ne le connais pas très bien, je n’accorde pas d’importance à ce qu’il fait », ajoute un autre. Saluant son « courage » et son « engagement », Momar Ndao de l’Association des consommateurs sénégalais lui suggère persévérance.

Pour frapper fort dans les esprits, Cissé, taille moyenne, teint noir, est allé jusqu’à se menotter devant le siège de la SGBS où il dénonçait « une prise d’otage des clients » par la banque suite à une hausse unilatérale des attestations d’engagement et de non engagement. « A force de faire dans l’excès et de caricaturer les banques, il peut arriver à banaliser sa parole », met en garde un banquier qui se demande si on n’a pas affaire à « un procureur pro domo » ou à un « imposteur ». Le concerné se prévaut pourtant de 29 752 adhérents à son association, sans inclure les membres de 2015 et 2016. Il est sûr de ratisser large.


 

Par Mohamed Camara

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